Ballon d'Eau Fraîche 15/16, les candidats : Rodéric Filippi et Emmanuel Imorou
Suite de la présentation des candidats avec deux petits nouveaux: un ovni ajaccien et un twitto caennais. Deux solides prétendants, chacun dans son style.
Il y a quelque chose de totalement anachronique chez ce grand barbu à la dégaine de rugbyman argentin. Comme si, dans un football de haut niveau qui laisse de moins en moins la place au hasard, où il faut éviter les excès d’antan et se préparer dès le plus jeune âge si on veut rêver à une carrière professionnelle, un joueur du dimanche s’était invité. Rodéric Filippi n’est peut-être pas le mec le plus irréprochable du championnat, lui dont l’engagement pas toujours maîtrisé lui a valu deux cartons rouges cette saison. Mais il a aussi ce regard rafraîchissant de celui qui n’était pas prêt à être là et ne comprend pas tout des habitudes du milieu.
Sa petite notoriété, il la doit notamment à deux interviews assez surréalistes accordées au site de So Foot, dans lesquelles on découvre un joueur plus que lucide sur son niveau: "Techniquement, j'ai des briques à la place des pieds, j'étais juste le stoppeur bourrin qui dégage loin devant et basta. Je me contentais de suivre le numéro neuf qui ne devait pas toucher le ballon. Je pense que mon esprit de compétiteur a toujours plu à mes entraîneurs qui m'ont toujours fait jouer en équipe une. Et puis, j'aimais bien faire partager mon expérience aux petits jeunes qui arrivaient dans l'équipe, et le cousin de l'un d'eux, un jour, m'a proposé de venir faire un essai dans son équipe, au Cavigal de Nice. À ce moment-là, je n'envisageais absolument pas de devenir professionnel avec les deux boîtes que j'avais aux pieds et que j'ai toujours, d'ailleurs."
Et lucide aussi sur le rôle du footballeur: "Ça me fait plaisir d'en signer (des autographes), hein, mais c'est sûr que je ne vois pas l'intérêt. Un autographe, ça reste un putain de gribouillis sur une feuille, et puis on est des footballeurs, on n'a pas sauvé la planète, hein. Pour moi, c'est comme si demain j'arrive chez mon boulanger et je lui dis: 'Putain, vous faites vraiment bien le pain, vous pouvez me signer un autographe, svp?'"
Pour la suite, celui qui a rejoint le Gazélec à vingt ans envisage de devenir chauffeur poids lourd. Un métier loin du football, où ses écarts alimentaires se verront moins que sur le terrain, où sa combativité compense tant bien que mal l’écart de niveau. Même si l’homme a ses techniques très "district" pour impressionner l’adversaire. "Quand tu vois un mec à la télé, tu t'imagines toujours qu'il est grand, costaud, tu l'idéalises un peu, quoi. Mais je peux te dire que quand t'es en face de Thiago Silva qui fait 1,70 m, tu n'es pas du tout impressionné. Au moment de leur serrer la main, j'ai fait comme je fais tout le temps, quel que soit l'adversaire: je les ai tous regardés de travers (rires). Histoire de montrer qu'on n'est pas là pour rigoler."
Pour sa septième saison au Gaz, sa première (et seule?) en L1, Filippi n’a donc pas changé sa nature. Ni sa voiture – et on sait que l’argument plaît à certains électeurs –, comme il l’expliquait dans L’Équipe fin septembre: "Les autres sont beaux avec leur Mercedes ou leur Audi, mais il y a deux jours, quand un coéquipier a acheté une grosse télé, il était bien content que j’aie mon Kangoo." Contrairement à celui du légendaire José Saez, ce n’est pas une voiture d’emprunt.
Point fort
On dirait un joueur de la Ligue des Cahiers.
Point faible
Il fait un peu peur.
Slogan
Rodéric contre Superman.
Emmanuel Imorou, la farce tranquille
Présentons le petit nouveau de la sélection d'Hervé Fortin, outsider et déferré des quatre pieds: Emmanuel Imorou. Désolé pour le choc, mais oui, son vrai prénom c’est Emmanuel et pas Manu, comme on peut le voir et entendre partout. Si on est habitué à Manu, c’est que l’on est tombé dans ce qui fait le charme de la sélection de Manu au Ballon d’Eau Fraîche: la proximité. En effet, Manu, appelons-le donc comme ça, est proche des gens, notamment à travers les réseaux sociaux. Manu est très actif sur Twitter et casse un peu l’image habituelle collée aux footballeurs. Ici, pas de discours aseptisés à base de "l’important c’est les trois points" ni de Community Manager mais davantage de blagues et réponses directes et bien écrites aux supporters.
Comme il l’a dit lui-même dans une interview donné au site de la FIFA: "C’est ça que les gens aiment voir: c’est qu’au final, on est des footballeurs, mais on est des mecs comme les autres, on regarde le foot comme les autres, on rêve des stars comme les autres, et on en rigole comme les autres! On n’est pas forcément tous dans le cliché du footballeur qui ne pense qu’à lui, qu’à s’acheter de belles montres et de belles voitures." Bref, le mec que tout le monde aimerait avoir dans son club.
Le critère de la fidélité est peut-être son point faible. Mais d'abord parce qu'il lui a fallu un peu de temps pour percer. Quelques années par-ci par-là, à Châteauroux, Clermont et maintenant à Caen. Une année sabbatique à Braga. On pourra cependant dire que c'est un titulaire indiscutable et fidèle, chaque semaine, dans les différents récapitulatifs des meilleurs tweets pendant les matchs. Sur les réseaux sociaux, Manu manie ainsi autodérision sur son statut de footballeur, son niveau et le rendu de ses matches. On se souvient, par exemple, de sa déclaration en 2015 quand Nabil Fékir hésita entre les maillots algérien et français: "Soutien Nabil Fékir: j’ai moi-même longtemps hésité entre la France et le Bénin." Ou d'un autre tweet lors de la blessure du Lyonnais:
Mêmes nous (et nos reins), défenseurs en L1, sommes tristes pour Fékir... Il va sacrément manquer à notre championnat.
— Manu Imorou (@Manuimorou) 4 septembre 2015
Comme on peut le lire dans sa bio Twitter, il s’autoproclame «Meneur de jeu du FC Twitter #10». Heureusement, pas du SM Caen… Cependant, même s’il ne distribue pas de caviars sur le terrain, c’est dans les efforts fournis que son sens du collectif est appréciable. Manu Imorou multiplie les allers-retours sans relâche sur son côté gauche et même son seul rouge de l’année révèle d’un sacrifice. De plus, à cause de ses récentes blessures (et contrairement à sa sélection nationale, ce n’est pas bénin), il a davantage tendance à encourager ses coéquipiers à travers un écran. C’est toujours appréciable de voir son implication malgré son indisponibilité. Il en a d'ailleurs profité pour offrir ses crampons en tirage au sort.
Désormais, elles seront plus utiles pour vous que pour moi. RT pour les gagner. Taille 44. Tirage au sort dimanche. pic.twitter.com/AuD5eYGap5
— Manu Imorou (@Manuimorou) 21 avril 2016
Depuis, Malherbe végète en milieu de tableau, laissant ainsi d'autres passer devant. Si ça ce n’est pas fair-play!
Point fort
15.800 adorateurs sur Twitter, soit deux fois plus que la participation totale du Ballon d'Eau Fraîche de l'an dernier.
Point faible
Il est tellement collectif qu'il ne veut pas de votre vote. Votez Seube. Manu l'an prochain.
Slogan de campagne
Imorou, Manu militari!