Luis Garcia 2005, un train fantôme pour Byzance
Un jour, un but – Le 3 mai 2005 à Anfield, l'Espagnol Luis Garcia inscrit un but de raccroc qui propulse Liverpool en finale de la Ligue des champions pour la première fois depuis vingt ans. Mais ce but en était-il vraiment un?
John Arne Riise avance dans son couloir gauche et transmet à Steven Gerrard dans l’axe. D'un subtil extérieur du pied droit, le capitaine de Liverpool adresse une passe en cloche vers Milan Baros, lancé devant le but dans le dos de Ricardo Carvalho et John Terry. Le Tchèque devance son compatriote Petr Cech, le gardien de Chelsea: le ballon lui passe par-dessus et rebondit vers la ligne de but. John Terry s'apprête à le dégager, mais Luis Garcia surgit devant lui pour dévier la trajectoire. Deux défenseurs des Blues sont sur la ligne, dont William Gallas qui dégage. Sûr de son fait, Luis Garcia court les bras levés vers le poteau de corner. L'action semble se poursuivre mais un coup de sifflet retentit: Lubos Michel, a accordé le but.
La polémique attendra
L'arbitre slovaque n'était pas le mieux placé, mais il s'en est remis à son assesseur Roman Slysko. L'avis de ce dernier prête pourtant à discussion puisque de son point de vue, le ballon est masqué par William Gallas. L'Angleterre, décidément, n'en finit jamais de se chamailler pour ces ballons qui franchissent à peine la ligne. La polémique aurait pu enfler, mais elle attendra. Nous ne sommes en effet qu'à la quatrième minute de cette rencontre entre Liverpool et Chelsea…
Les deux équipes anglaises n'en finissent pas de se croiser en cette saison 2004-2005: après deux rencontres de championnat et une finale de League Cup, toutes remportés par Chelsea, Reds et Blues se retrouvent en demi-finale de la Ligue des champions. Le match aller à Stamford Bridge s'est ponctué par un 0-0, une belle performance déjà pour les hommes de Rafael Benitez. Malgré tout, le club londonien reste favori. Dopé par l'inestimable fortune de l'oligarque russe Roman Abramovitch, Chelsea est en effet le nouveau monstre du foot européen et sa présence dans le dernier carré de la Ligue des champions devient une habitude, sinon une obligation. Trois jours avant la demi-finale retour, les hommes de José Mourinho ont battu Bolton et assuré mathématiquement leur titre de champion d'Angleterre, attendu depuis cinquante ans.
Liverpool quant à lui court toujours après son passé flamboyant. Cette saison 2004-2005 confirme que l'équipe n'a toujours pas retrouvé sa dynamique en dépit d'une parenthèse enchantée en 2001 [1]. Elle traîne à la cinquième place de la Premier League, à plus de trente points de Chelsea. Il ne lui reste que la C1 pour sauver sa saison, mais qui croit vraiment cette équipe capable de soulever la coupe aux grandes oreilles?
"The best team has lost"
Pourtant, lors de ce match retour du 3 mai 2005 face à Chelsea, quelque chose de particulier s'est produit à Anfield. Quand il faut défendre ce but inscrit dans les premières minutes, les Reds sont portés par une ambiance, une ferveur incomparable, un courant qui renvoyait aux plus belles heures des années 1977-84. Chelsea a beau faire parler sa supériorité technique, il s'est heurté à une forteresse rouge. Porté par leur public hors norme, les joueurs de Liverpool terrassent le nouveau riche de la scène européenne et se frayent un chemin inespéré vers une nouvelle finale de la Ligue des champions. Une première depuis 1985.
Le match terminé, même les joueurs de Chelsea restent sur le terrain pour profiter de l'ambiance. Ce n'est qu'une fois les micros tendus sous les mentons que la question de la validité du but de Luis Garcia a refait surface. José Mourinho n'allait pas laisser passer une telle occasion. C'est lui qui lance le terme de "ghost goal" (but fantôme), ajoutant que la meilleure équipe a perdu.
Plus tard, des simulations télévisées indiquent que le ballon n'aurait en effet pas entièrement franchi la ligne. Le débat s'intensifie: ne serait-il pas temps d'imaginer une technologie qui permettrait de valider, sans risque d'erreur, le franchissement complet du ballon? La FIFA y travaille, qui tente de mettre au point une puce sur les ballons. On parle aussi du hawk-eye, un système déjà utilisé au tennis.
Le mot de la fin, et de la sagesse, sera finalement pour le héros malheureux de cette soirée, William Gallas: "Je crois bien que j'ai dégagé la balle devant la ligne. L'arbitre s'est trompé, mais nous, on avait 86 minutes pour se rattraper. On ne l'a pas fait."
[1] En 2001, le Liverpool de Gérard Houiller remporte la League Cup, la FA Cup, la Coupe UEFA, le Community Shield et la Super Coupe d'Europe. Une moisson à laquelle on peut ajouter le Ballon d'Or obtenu par Michael Owen en fin d'année.