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Platini 1985, un tir dans la nuit du Heysel

Un jour un but – Le 29 mai 1985, Michel Platini inscrit sur penalty ce qui aurait dû être le but le plus important de sa carrière. La Juventus remporte en effet pour la première fois la Coupe des clubs champions. Mais nous sommes au stade du Heysel...

Auteur : Richard Coudrais le 1 Juin 2015

 

 

Platini frappe du pied droit, sur la gauche de Grobelaar qui est parti du mauvais coté. Le but est limpide, formel, classique. C'est le seul du match et il donne à la Juventus sa première coupe d'Europe des clubs champions. Il aurait dû figurer en bonne place dans la vidéothèque de tout juventino qui se respecte.

 

Mais ce soir-là à Bruxelles, la chose footballistique est bien dérisoire. Une heure avant le coup d'envoi d'une finale très attendue entre les deux meilleures équipes européennes du moment, une charge des supporters de Liverpool dans la tribune de ceux de la Juventus a provoqué une panique monstre. En cherchant à éviter les heurts, les spectateurs se sont précipités vers le bas du bloc Z où, sous la pression, un mur a cédé. Trente-neuf personnes ont trouvé la mort, six cents ont été blessées.

 

 

 

Un certaine indécence

Il y a donc quelque chose d'indécent à voir, deux heures plus tard, le buteur français hurler sa joie, lever le poing et se faire congratuler par ses coéquipiers. On reprochera d'ailleurs beaucoup à Michel Platini ce manque de retenue. Ce à quoi il répondra: "Ceux qui me reprochent cette joie n'ont jamais marqué un but de leur vie." Une réponse un peu bête, qui traduit surtout son incapacité à décrire ce qu'il a vraiment ressenti, à expliquer dans quelle situation surréaliste il se trouvait.

 

À l'heure où aurait dû être donné le coup d'envoi, la situation est on ne peut plus chaotique. Alors que les secours s'organisent tant bien que mal au pied du bloc Z, les forces de l'ordre se heurtent aux supporters les plus violents. Les Italiens provenant d'une autre tribune ont en effet décidé d'en découdre avec les Anglais. La police belge, en nombre insuffisant, est submergée. Curieusement, le reste du stade n'a pas conscience du drame, et les premiers sifflets se font entendre parce que le match n'a toujours pas commencé.

 

On ignore d'ailleurs si le match va vraiment avoir lieu. Nous sommes dans une situation complètement imprévue, qui dépasse alors l'entendement. Malgré de nombreux incidents lors les précédentes années, le phénomène hooligan n'a jamais été sérieusement appréhendé. À Bruxelles, organisateurs, dirigeants et forces de l'ordre sont démunis face à l'ampleur des événements. Les appels au calme ne font qu'attiser la colère du public, dont une grande partie attend sous le soleil depuis trois heures. Il a donc été décidé, dans l'urgence, de faire jouer ce match. Pour éviter qu'une annulation n'aggrave le problème.

 

 

Un vrai match

On a demandé aux joueurs de disputer le match, alors ils ont disputé le match. Pour de vrai. Les passes sont précises et les tacles appuyés. Ce n'est pas un grand match, mais un vrai match. Platini est dans un grand soir, il fait du Platoche et joue ses classiques: il récupère un ballon très bas, envoie une longue passe millimétrée dans la course de Zbigniew Boniek, lancé entre deux défenseurs anglais. Le Polonais fonce mais il est soudainement fauché par Gary Gillepsie. L'arbitre André Daina désigne aussitôt le point de penalty. La faute semble pourtant avoir été commise en dehors de la surface de réparation, ce que confirme le ralenti. Nous sommes à la 56e minute, et Platini transforme le penalty.

 

C'est donc une vraie finale qui se dispute devant des millions de téléspectateurs un peu ébahis. Une finale dont le déroulement aurait sûrement alimenté la polémique hors de son dramatique contexte. Peu après le penalty sifflé par erreur pour la Juve, M. Daina n'accorde pas la même faveur à Liverpool, alors qu'un tacle de Bonini sur Whelan, dans la surface italienne, n'était sans doute pas très régulier. Inévitablement, on a estimé que l'arbitre suisse avait reçu des consignes, celle notamment de faire gagner l'équipe italienne. André Daina s'est toujours défendu de cette hypothèse. S'il a reconnu ne pas avoir été très inspiré ce soir-là, ses erreurs ne répondent à aucune influence particulière.

 

 

 

Voir un psychiatre

Les acteurs du match semblent bien avoir tout oublié du drame, ou en tout cas de n'en avoir plus conscience. Déjà, lors de la photo d'équipe juste avant le match, Bruce Grobelaar, le gardien de Liverpool, faisait le clown pour les photographes. Zbigniew Boniek, après avoir été fauché par Gillepsie, a levé les bras en affichant un large sourire. Lorsque l'arbitre siffle la fin du match, une clameur de joie s'est emparée du stade, les joueurs de la Juve se sont congratulés, des supporters ont couru sur la pelouse, des reporters ont tenté d'arracher une déclaration. Dans les tribunes, on a agité écharpes et drapeaux, allumé quelques feux de joie. Comme si de rien n'était. Si la remise de la coupe s'est faite sans protocole, les joueurs de la Juve ont fait un tour d'honneur et l'ont brandie devant les tribunes. Dans la nuit, on a fait la fête dans les rues de Turin et le lendemain, à peine sortis de l'avion, les joueurs ont fièrement brandi le trophée.

 

Michel Platini n'est donc pas le seul à avoir eu une attitude une peu déplacée. Le capitaine français a souvent esquivé les questions sur son poing levé, soit en refusant de répondre, soit en donnant des explications contradictoires. Cette incohérence traduit surtout la confusion qui régnait dans les esprits au moment de jouer le match. Qui peut comprendre ce qui se passe dans la tête d'un joueur quand on lui demande de jouer pour calmer une foule, sans lui expliquer si l'enjeu sportif était maintenu ou non? Car il s'agissait de la finale de la Coupe d'Europe, l'objectif d'une saison, d'une vie, et non pas d'un match parmi d'autres.

 

Beaucoup plus tard, Platini avouera qu'en jouant, il avait complètement oublié les morts, et que pour expliquer cet oubli, il faudrait demander à un psychiatre. Inutile de chercher si loin. Nous avons tous joué au foot et le jeu nous a souvent permis d'oublier nos problèmes, nos doutes, nos souffrances. Cela n'excuse pas le geste de joie déplacé, mais cela l'explique un peu.

 

Platini, ses coéquipiers et ses dirigeants portent depuis autant le poids du drame que celui de leur honte, celle de n'avoir pas pris conscience de leurs obligations en cette tragique soirée du 29 mai 1985.

 

Réactions

  • Maniche Nails le 01/06/2015 à 08h34
    Mince j'ignorais complètement que le drame avait eu lieu avant le match, merci pour cette cure de rattrapage, même si c'est encore plus glaçant que je croyais.

    Tu dis que les tribunes éloignées ne se sont comme rendu compte de rien et que les joueurs ont su/dû faire abstraction du contexte, mais qu'en est-il des commentateurs et du ressenti des téléspectateurs d'alors sûrement abreuvés d'images choc ?

  • Maniche Nails le 01/06/2015 à 08h36
    "que ce que je croyais"*

  • peter panderlecht le 01/06/2015 à 09h08
    Il ressort du reportage de la RTBF diffusé il y a qq jours que les gens au stade et les commentateurs étaient en fait les derniers au courant. A l'époque pas de GSM, les commentateurs ne pouvaient quitter leur poste et donc les infos arrivaient au compte goutte. Et quant il s'est avéré qu'il y avait des morts, ils ont été évacué en toute discrétion vers un hôpital militaire.
    Par contre les joueurs avant le coup d'envoi étaient au courant d'un certain nombre de mort et on a fait pression sur eux pour qu'ils jouent de peur que l'annulation du match ne provoque une bagarre entre supps italiens et anglais encore plus meurtrière.
    Les responsables et témoins de l'époque aujourd'hui encore estiment que c'était la meilleure solution...

  • Richard N le 01/06/2015 à 09h21
    En terme de ressenti de téléspectateurs, je peux te donner le mien, mais je pense que chacun à pris le truc à sa façon. De mémoire, je me souviens que dès sa prise d'antenne, juste avant le match, Thierry Roland annonce qu'il se passe des choses graves. Les caméras sont déjà braquées sur les tribunes. TF1 se met en mode "édition spéciale en direct", on reçoit toute sorte d'infos contradictoires, on voit des images de confusion, de panique, de violence. En fait, on voit bien qu'il se passe quelque chose, mais on ne comprend rien. Larqué et Hidalgo (consultant pour ce match) expriment leur colère. On est scotché devant la TV, on pense que le match est annulé mais on reste devant le poste. Lorsque le match a débuté, on a ressenti ça comme une trêve, une petite respiration entre deux moments de violence. Comme je l'exprime dans le texte, la joie de Platini m'a un peu surpris. Et, dois-je l'avouer, je m'étais dit que s'il avait cette réaction, c'est que ce qui s'était passé avant n'était pas si grave que çà. C'est surtout dans les jours qui ont suivi qu'on a pu avoir les infos sur le déroulement du drame. Comme les joueurs, en somme.

  • Ba Zenga le 01/06/2015 à 09h25
    En effet, il est bien difficile de savoir ce qu'il aurait fallu faire dans de telles conditions. Merci à Richard pour cet article sur ce but que je n'ai pas vécu en direct, mais qui a toujours suscité en moi des interrogations.

  • Maniche Nails le 01/06/2015 à 12h10
    Merci pour vos réponses. Ça a dû être une "expérience live" (heureusement) unique.

  • Gouffran direct le 02/06/2015 à 03h41
    C'était la confusion en effet, je me rappelle d'un manque d'infos claires et beaucoup d'attente.
    Quand j'ai vu les images de Furiani plus tard, ça m'y a fait penser.

    Mon père m'avait promis que si Bordeaux battait la Juve en demie, on irait voir la finale.

    Il aimait Bordeaux et la Juve, étant Turinois d'origine il était quand-même content de les voir en finale.
    On est pas allés la voir et on a regardé la télé.
    Mon père ne savait plus quoi penser entre l'incompréhension, l'effroi, la peur, le doute et puis ya eu le match.

    Je ne m'en rappelle plus du tout et on en a jamais vraiment reparlé.




  • lotbur le 02/06/2015 à 10h50
    Idem pour moi Gouffran. En tant que supporter de Bordeaux, mon père m'avait promis de m'y envoyer si Bordeaux battait la Juve en demi. A l'époque, le journal l'équipe organisait des voyages avec aller/retour en bus et entrée au stade pour pas (trop) cher. Mes parents avaient hésité à prendre le billet pour la finale quand même malgré l'élimination de Bordeaux... Ça tient à peu de choses...

  • plumitif le 02/06/2015 à 15h28
    Déjà dans la journée, il régnait une atmosphère d émeute à Bruxelles. En fin d’après midi le sol de la Grand Place était recouvert de verre cassé et le centre vile semblait livré aux supporters de Liverpool, et était devenu une zone de non droit abandonné par les forces de police aux bagarres et aux beuveries.

    Au stade, la tension a explosé d’un seul coup. Les supporters de la Juve occupaient un virage. Celui d’en face était divisé en deux. Une moitié pour les supporters des Reds, l’autre réservé aux détenteurs de billets en vente libre, achetés en grande majorité par les italiens ou descendants d’Italiens résidant en Belgique et donc supporters de la Juventus.


    Le cocktail infernal était en place. Chaleur, supporters anglais entassés (beaucoup étant entrés en force) et pour beaucoup très alcoolisés, barrières fragiles entre les deux parties du virage, présence côte à côte des supporters des deux camps, frustration des anglais d’être entassés, hooligans en première ligne pour attaquer l’autre camp occupé essentiellement par des familles et des gens pacifiques.


    Il n’a pas évident tout de suite dese rendre compte de l’effet de l’attaque des supporters anglais. Car ils n’ont pas véritablement occupé l’autre partie du virage et il y a eu peu de confrontations directes.
    Ce sont les jets de lien du revêtement friable du sol des virages et quelques charges qui ont provoqué l’entassement des supporters italiens vers le bas du bloc Z.

    L’inaction et l’inertie des services de police et de gendarmerie ont été constants. Pas de réaction immédiate afin d’établir une séparation entre les deux parties du virage. Pas d’intervention dans le virage côté italien afin d’essayer de desserrer la pression en bas du bloc Z.

    La seule intervention notable aura été celle d’un gradé à cheval, incapable de maitriser sa monture sur la piste d’athlétisme devant la tribune officielle, désertée, où les supporters italiens cherchaient désespérément un téléphone afin d’appeler leurs proches.

    Du stade, on voyait bien qu’en bas de la tribune Z, il se passait quelque chose. Faute de pouvoir y accéder et afin de se rendre vraiment compte de la situation, il fallait sortir de la tribune de presse, descendre un escalier, tourner à droite et au bout de 50 mètres découvrir la véritable ampleur de ce qui s’était passé.

    Le long de la tribune, prostrés, les blessés légers, sous des tentes, les blessés graves, en transit pour les hopitaux par un va et vien incessant d’hélicoptères. Et sous d’autres tentes, l’espace entre les toiles s’entrebâillant découvraitl’horreur : des corps sans vie.

    Et ce soir de finale de Coupe d’Europe des Clubs champions, à l’heure où aurait dû commencer le match, derrière une tribune, entre trois tentes occupées par des cadavres, un commandant de gendarmerie commençait ainsi son point presse : "Il y a eu un phénomène de blocage le long d’un mur, l’autre s’étant écroulé. La majorité des victimes a été écrasée. Le blan provisoire s’établit à 35 morts que nous avons dénombrés sous les tentes et plus de cent blessés.

    En ce qui concerne Michel Platini.
    Il a dit ceci le lendemain, dans l’avion qui ramenait la délégation de la Juventus de Bruxelles à Turin.
    « Notre première réaction à nous tous a été de dire que ce n’était pas possible. (dejouer). On est venus pratiquement tout de suite nous dire ce qui s’était passé. A ce moment là il semblait impensable d’aller disputer un match de foot.

    Et puis une autre interrogation s’est imposée à nous. Qu’estc e qui se serait passé si le match n’avait pas eu lieu ? La décision de l’UEFA était la seule lien était prévisible que les supporters de la Juve auraient voulu se venger si on avait remis la rencontre.

    C’est ce que nous sommes allés leur dire lorsque nous sommes sortis pour aller leur parler. En leur expliquant que certaines décisions étaient difficiles, mais que pour des raisons de sécurité, il n’y avait pas d’autre possibilité ».

    A propos de son geste après le penalty et son comportement pendant et après la rencontre.
    « Cela pouvait paraitre anormal de ne pas sembler ressentir des retombées émotionnelles. Mais cela s’explique. Nous sommes des professionnels et tout le monde était préparé à jouer un match. Pour nous, se plonger dans la rencontre, la disputer à fond, c’était un moyen d’oublier.
    C’est comme au cirque, le spectacle doit continuer. C’est la vie et elle n’est pas belle ».

  • CELTIC BHOY le 03/06/2015 à 14h39
    Dans cette triste histoire, le chat noir s'appelle Kenny Dalglish. Dans les tribunes pour l'Ibrox Disaster, sur le terrain pour le Heysel et sur le banc pour Hillsborough.

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