C'era Alessandro
Passe en retraite - Alessandro Nesta quitte des terrains où il aura promené son élégance et sa précision, mais souvent subi le mauvais sort de blessures le privant de quelques rendez-vous avec l'histoire.
De cette génération, certains restent, d’autres partent. Ryan Giggs et Javier Zanetti font de la résistance, alors qu’ils ont fêté en 2013 leur quarantième anniversaire. On avait perdu un peu sa trace, là-bas en Amérique du Nord, sous les couleurs de l’Impact de Montréal. Il était parti sous des cieux "exotiques", comme d’autres figures emblématiques du Milan des années 2000. Alessandro Nesta a récemment décidé de mettre fin à sa carrière de joueur, n’étant pas retenu pour le barrage de la dernière édition de la Major League Soccer à cause d’une légère blessure. Il part, pour essayer de mieux revenir: “Je projette d’entraîner dans le futur. Nous verrons à quel niveau, mais je pense que c’est quelque chose dont je suis capable. Je vais d’abord me retirer quelques mois et ensuite, préparer mes diplômes. Où j’entrainerai, je ne le sais pas encore.”
La classe à l’italienne
Nesta, ce n’était pas la classe à la manière d’un Laurent Blanc ou d’un Matthias Sammer. Ce n’était pas une allure faussement nonchalante. Ce n’était pas une idée du défenseur central rampe de lancement ou aux envies de but [1]. Nesta, c’était la propreté dans ses interventions. Joueur avant tout précis, Alessandro dégageait la grâce de ses gestes, de ses tacles, de sa relance, de ses dribbles aussi bien que de ses dégagements à plus d’un mètre cinquante du sol, sa qualité athlétique lui permettant de maitriser les airs aussi bien avec sa tête qu’avec ses pieds et de s'y suspendre. Nesta, c’était une idée de l’efficacité élégante, dans la droite lignée de la tradition italienne, digne de Gaetano Scirea, Franco Baresi ou Giuseppe Bergomi, aussi bon au centre d’une défense à plat qu’en duo dans une charnière jouant en zone.
Digne de Paolo Maldini, avec qui il forma les charnières milanaises championnes d’Europe en 2003 et 2007. Probablement meilleur et plus classieux que Marco Materazzi et Fabio Cannavaro, qui iront au bout du second tour de la Coupe du Monde 2006, Alessandro quittant l’effectif titulaire italien face à la République Tchèque à cause d’une blessure. Au niveau d’un certain Thiago Silva, devenu depuis le meilleur défenseur central du monde pour beaucoup d’observateurs, et avec lequel il ne concéda que 24 buts lors de l’exercice 2010/11, saison de la reconquête du scudetto et de la confirmation du retour de Nesta au plus haut niveau, après une guérison durable de ses problèmes musculaires.
Tel un cristal
Nesta a ainsi trainé des pépins physiques qui ont haché sa carrière pourtant fastueuse. Mais sa fragilité ne rend finalement son histoire que plus belle. C’est durant la Coupe du monde 1998 qu’il rencontre son épouse Gabriela Pagnozzi, alors membre du staff médical de la Nazionale et à son chevet lors de sa convalescence, à la suite de sa blessure face à l’Autriche. Décidément, ces premiers tours lui sont douloureux, Nesta manquant, toujours pour la même raison, le fameux huitième de finale contre la Corée du Sud en 2002. Plus généralement, sa carrière en sélection est cabossée, éliminé prématurément à l’Euro 2004 et surtout de la funeste finale de 2000.
C’est entre ses jambes que passent le tir de Sylvain Wiltord et le centre de Robert Pires en finale de l’Euro 2000. Alors qu’il venait de faire un match dans son style, spectaculaire et efficace aux commandes de la défense à plat composée aussi ce soir du 2 juillet de Fabio Cannavaro et Mark Iuliano. Son tacle n’empêche pas Xabi Alonso d’égaliser lors de l’historique finale de la C1 2005. Comme Maldini, il lui est ainsi arrivé d’être du côté des perdants lors de ces moments où l’histoire s’écrit. En 1998, la Lazio Rome échoue en finale de la C3 face à l’Inter Milan mené par un Ronaldo en état de grâce, malmenant le bel Alessandro qui ne ménage pourtant pas ses efforts au marquage du monstre.
Repéré par les Biancocelesti dès l’âge de treize ans, il y gagnera ses premiers titres majeurs, la dernière C2 de l’histoire en 1999 et le scudetto l’année suivante. Lancé par Dino Zoff en 1994, il casse involontairement et doublement la jambe de Paul Gascoigne à l’entraînement, mettant fin à la désastreuse aventure italienne de l’Anglais. Les deux joueurs fondirent en larmes ce jour-là. C’était Alessandro Nesta, l’un des plus beaux et des plus grands défenseurs de l’histoire, une gueule d'ange et des jambes célestes, une sensibilité de footballeur à fleur de peau, une délicatesse qui nous manque déjà.
[1] Alessandro Nesta a inscrit seulement onze buts dans sa carrière.