La Gazette : 10e journée
Faut-il pondérer le classement en relief en fonction des avantages consentis par les arbitres aux équipes? Pourquoi le PSG est-il un club transparent? Que se passe-t-il quand Nice et Marseille clonent leurs jeux? La Gazette répond, même juste à côté.
Auteur : Le Feuilleton de la L1
le 4 Oct 2005
Le classement s'étire : autant grâce à l'OL qui marque trois points, qu'à Metz qui n'en marque aucun. On pourrait même, imprudemment, parler de décantation aux extrémités puisque Paris et Bordeaux ont également gagné, tandis qu'en fin de tableau, Strasbourg et Troyes, en partageant les points, ont au moins réussi à se décoller de ces Lorrains-là (ceux de Nancy sont partis se cacher dans le ventre mou).
Battus sèchement par les Stéphanois, les Manceaux retombent un peu dans l'ordinaire, tandis que leurs adversaires d'un soir pointent de nouveau à une place "européenne". On constate justement que les résultats en dents de scie de l'intense mois de septembre n'ont pas franchement éclairci la situation de la flopée des équipes comptant entre 16 et 10 points. Si Toulouse, Nancy et Marseille apparaissent en net regain sur les dernière journées, Monaco, Nice, Nantes ou Rennes n'ont pas levé les incertitudes les concernant. Et le FC Sochaux, en se retrouvant pour la première fois de la saison en position de reléguable, désespère Montbéliard.
Les résultats de la journée
St-Étienne-Le Mans : 3-0
Paris SG-Nantes : 2-0
Toulouse-Auxerre : 2-0
Troyes-Strasbourg : 1-1
Rennes-Lyon : 1-3
Sochaux-Nancy : 0-2
Nice-Marseille : 0-1
Lille-Monaco : 0-1
Metz-Bordeaux : 0-1
Ajaccio-Lens : reporté
La maison de verre
Au PSG, vu depuis la presse sportive, on ne connaît que deux états: "la crise", et "pas la crise". Si l'on sait assez bien ce qu'est "la crise", on note que "pas la crise" est une situation qui ne se définit que négativement. Ce n'est pas le bonheur, la réussite ou l'apogée – faute de succès sportifs tangibles –, c'est juste "pas la crise". En réalité, c'est plutôt la crise en gestation. "Si tu veux la paix, prépare la guerre", a dit un jour un stratège romain. "Si tu veux la crise, prépare la crise", a dit un jour Jérôme Touboul en conférence de rédaction à L'Équipe. Et il ne ménage pas ses efforts, à en croire un article paru le matin de PSG-Nantes, ce samedi dans le quotidien sportif. Un bijou à montrer dans les écoles, poli et policé. Pas une insinuation plus haute que l'autre. Tout est basé sur des faits réels, à base d'inimitié entre Modeste M'Bami et Vikash Dhorasoo, qui présentent l'avantage d'être estampillés semeurs de zizanie. Bizarrement, Jérôme Rothen n'y serait pour rien.
Il faut dire que le PSG, contrairement à ce que pourraient laisser croire les enquêtes en cours, c'est la transparence à tous les étages. À Marseille, tout le monde déballe sur tout le monde, à Paris, ce n'est même pas la peine, c'est un club à ciel ouvert, les vestiaires n'ont pas de mur. Ça facilite le travail. Même plus besoin d'un gimmick comme "la taupe". En guise de sources, il y a le choix: "familiers du groupe", "cadres du club" ou "entourage des joueurs". Et puis, bon, Dhorasoo, c'est un cafteur, il est allé se plaindre à Moutier et à Blayau. Tiens, les bureaux n'ont pas de murs, eux non plus.
Match de clones
Nice-Marseille opposait deux formations cherchant à consolider des acquis défensifs mal assurés en début de saison. L’une et l’autre ont cherché avant tout à ne pas perdre et comptaient sur un bon technicien associé à un attaquant rapide prenant la profondeur pour éventuellement voler un but. On a donc assisté à une rencontre excessivement ennuyeuse entre deux clones... Et si les défenses de l’OM et de l’OGC Nice ont effectivement fait des progrès considérables dans leur organisation, elles sont encore à la merci d’erreurs de concentration. La partie s’est donc résumée à un concours entre Gregorini et Carrasso, à qui rattraperait au mieux les bourdes de ses défenseurs. Le Marseillais s’est illustré sur une reprise de volée de Varrault, laissé seul aux six-mètres, avant que le Niçois se fasse surprendre sur un tir à bout portant de Ribéry, oublié par Rool. Suffisant pour l’emporter, même sans faire vibrer les foules.
Lois du jeu, article 18 : l'arbitre a toujours tort
La polémique qui a fait suite à PSG-Nantes a un goût encore un peu plus amer que d’habitude. Cette fois-ci, Stéphane Moulin respecte à la lettre les consignes de l’International Board: hors-jeu de position et main involontaire non sifflés (consignes que tout le monde du football s’accorde à réclamer depuis des lustres afin de favoriser le jeu). Landreau voile à peine ses allusions: "C’est difficile de perdre en prenant des buts dans ces conditions. Les encaisser dans le jeu, normalement, cela aurait été différent". Et Le Dizet, même s'il a moins de vocabulaire de Jean-Michel Aulas, dit au fond la même chose: "Il y a ce but bizarre, avec une main de Kalou il me semble. On peut se demander s'il n'y a pas une compensation de l'arbitre après l'expulsion parisienne", avant d'ajouter "Je crois que sur le premier but l'arbitre aurait dû refuser le but". À croire donc que les actions amenant à un but doivent obéir à des règles différentes et plus strictes, histoire de ne pas froisser l’état d’esprit si fragile de joueurs et d’entraîneurs qui ne méritent pas d’encaisser un but un peu bizarre.
Autre illustration, plus classique cette fois : quasiment tous les cartons rouges consécutifs à deux cartons jaunes sont contestés comme trop sévères. Édouard Cissé commet ainsi deux fautes d'antijeu indiscutables et écope logiquement d'une exclusion. Voilà ses partenaires "révoltés" contre l'injustice, et les commentateurs choqués par cette sévérité. C'est le joueur qui fait les fautes, mais c'est l'arbitre qui a tort... À entendre beaucoup d'observateurs, les arbitres devraient en effet faire preuve de psychologie dans de telles situations et éviter d'influer sur le cours du match aussi brutalement que par une exclusion. Cette pseudo-intelligence du jeu est pourtant totalement contre-productive s'il s'agit de lutter durablement contre tout ce qui pourrit les rencontres (à commencer par ces fautes – "intelligentes" ou "stupides" – qui cassent le rythme et empêchent les actions de se développer).
Dans le n°17 des Cahiers, nous prônions une stricte application des règlements, au risque de passer pour des partisans de l'autoritarisme, afin de mettre un terme à cette marge d'interprétation (ou d'indulgence) qui ne profite certainement pas à l'équité sportive, ni au spectacle. Tant qu'on n'aura pas réduit, par une cure de sévérité, ce flou réglementaire sur lequel fleurissent les polémiques sur les "erreurs" d'arbitrage, on se condamne à baigner indéfiniment dans les jérémiades et les frustrations inutiles.
Conclusion : on veut bien défendre les arbitres qui se trompent, mais s’il faut aussi venir à la barre pour protéger ceux qui ont raison, on ne va pas s’en sortir.
Guerre des nerfs
On voit justement à quel point les polémiques arbitrales, quand elles débordent du cadre usuel des acrimonies d'après-match, pourrissent l'ambiance au dernier degré en s'immisçant dans toutes les considérations, chacun évaluant les décisions de l'arbitre à l'aune de ses intentions présumées. C'est ainsi qu'est né un débat à part entière, à la suite des incidents de Bordeaux-Lyon: "L'OL est-il favorisé par l'arbitrage?" Un marronnier, dans le jargon journalistique, ou une tarte à la crème dans le langage courant, mais qui finit par contaminer les esprits des acteurs du jeu eux-mêmes. Désormais, il n'y a plus un match de Lyon qui ne soit suivi de commentaires sur la prestation de l'homme au sifflet, à l'image de la victoire acquise à Rennes.
On ne mettra pas le couvert sur l'adage "Les équipes qui dominent un championnat ont les faveurs de l'arbitrage", théorème presque aussi difficile à vérifier que le classique "Les erreurs d'arbitrage s'équilibrent sur une saison". On remarquera juste qu'une équipe supérieure aux autres sur plusieurs années est favorisée par la meilleure qualité de son effectif, par la cohérence de sa gestion sportive ou par le nombre supérieur de ses occasions de but... En cette époque de rationalisme aulassien, il y va d'un rapport de forces global plus sûrement que de l'envoi de femmes accortes dans les hôtels (comme à d'autres époques).
Là où le président lyonnais et tous ceux qui ont embrayé à sa suite sont profondément coupables, c'est dans les suspicions systématiques qu'ils font peser sur les arbitres (comme s'ils n'étaient pas assez fragilisés), mais aussi dans les pressions indirectes que ces suspicions exercent. Mettons-nous à la place d'un arbitre officiant lors d'un match de Lyon... S'il n'a pas la force mentale de faire totalement abstraction du contexte, il va constamment avoir à l'esprit les implications potentielles de ses décisions. En encourageant systématiquement ce genre de perturbation, ne fausse-t-on pas l'arbitrage? En d'autres termes: ne favorise-t-on pas exactement ce que l'on prétend dénoncer?