La Gazette : 12e journée
Des Marseillais revigorés mais défaits par des Stéphanois faussement ambitieux, un Denilson déjà moins rapide que son ombre, et un Muller au dernier rang mais en première ligne: tous sont au menu de la Gazette. Et toujours en exclusivité mondiale: le classement en relief.
Auteur : Le Feuilleton de la L1
le 26 Oct 2005
La vérité que révèle aux foules le classement en relief, c'est que dans un championnat, personne ne recule : on avance (d'un pas ou de trois), ou bien on fait du surplace. N'accordez donc pas foi aux classements dotés de petites flèches qui prétendent indiquer qui progresse et qui régresse, ni aux commentaires qui affirment que telle équipe "plonge" au classement.
Seul club victorieux à l'extérieur, l'OL avance ("résolument vers son cinquième titre", est-il d'usage de préciser). Tandis que Metz et Strasbourg (toujours) restent cloués au plancher. Entre ces extrémités, on oserait presque parler de décantation, si la raison ne nous signalait que trois points gagnés ou abandonnés permettent encore de faire des bonds entre les rangs – à l'image de Lille et du Mans, tous deux vainqueurs par deux buts d'écart. Si le Paris-SG se détache de deux unités de son poursuivant bordelais, il reste en lisière d'une vaste zone d'incertitude dans laquelle s'entassent, des Girondins aux Toulousains, douze clubs en six points.
Un peu plus bas, Nantes, Sochaux, Ajaccio et Troyes se disputeront le privilège d'être dix-septième et premier non-reléguable lors de la prochaine journée.
Les résultats de la journée
Lille-Nantes : 2-0
Le Mans-Strasbourg : 2-0
Saint-Étienne-Marseille : 2-1
Sochaux-Monaco : 2-1
Paris SG-Nancy : 1-0
Nice-Auxerre : 1-0
Toulouse-Bordeaux : 1-1
Troyes-Lens : 1-1
Ajaccio-Rennes : 0-1
Metz-Lyon : 0-4
Victoire paradoxale...
S'il faut se méfier du classement, il faut aussi se méfier des résultats. Celui du match Saint-Étienne Marseille s'avère trompeur, mais il alimente quand même les articles élogieux pour les Verts et leur quatrième place. Totalement débordés par les Marseillais en première mi-temps, ils ont pourtant livré une de leurs plus mauvaises prestations depuis le début de la saison, ne devant leur salut sur ce match qu'à un coup de pied arrêté particulièrement bien exécuté par Hellebuyck et Feindouno, et à une frappe kostadinovienne du premier cité dans les dernières minutes de jeu. Un but de la tête par un non-spécialiste et un autre du droit de la part d'un gaucher. Même si Hellebuyck marque plus souvent de son "mauvais" pied, ces deux constats soulignent le caractère peu logique de cette victoire. En recourant de nouveau à "son" 4-4-2, Élie Baup a semblé affaiblir son équipe en démantelant un milieu à trois (Hellebuyck-Zokora-Sablé) qui impose habituellement son emprise dans l'entrejeu. Au lieu de quoi, c'est l'OM qui a imprimé un pressing étouffant et monopolisé le ballon, n'étant sanctionné que par un manque d'imagination et d'efficacité dans le dernier geste.
Et si les médias tendent à prêter beaucoup d'ambition à l'équipe stéphanoise, on peut surtout s'étonner qu'elle les assume aussi peu, ayant tendance à jouer en deçà de ses possibilités et à ne pas forcer son destin — comme à Toulouse (1-1) où la différence de maîtrise entre les deux équipes était pourtant flagrante. Certes, la lutte contre la combustion spontanée des supporters est une priorité à garder en tête dans le Forez, mais dans ce championnat ouvert, c'est aux audacieux que la fortune sourira d'abord. Il n'est pas certain que se reposer sur une excellente défense (Vincent Hognon, auteur d'une grande performance, est encore victime du syndrome auquel nous avons donné son nom: voir Comment L'Équipe note les joueurs) – et des fulgurances en attaque suffira à donner un destin à cette équipe.
Paradoxalement, on retiendra donc de cette rencontre les progrès confirmés d'un effectif phocéen qui a trouvé un équilibre tactique, mais aussi une volonté collective et une capacité d'animation du jeu dont il était très loin il y a seulement un mois. Placé très exactement au "milieu" du classement en relief, le club de Jean Fernandez peut s'appuyer sur ces acquis pour s'installer durablement dans la première partie du tableau. L'accès à l'Europe en fin de saison est redevenu un objectif réaliste.
Denilson le glas ?
Il avait réalisé de bons débuts face à l'OL, devant son nouveau public bordelais et les caméras de Canal+ : ses provocations balle aux pieds, sa bonne conservation du cuir avaient en effet permis aux Girondins de bénéficier de quelques coups francs et situations offensives intéressantes, malmenant un irrésistible quadruple champion de France. Une performance encourageante pour l'ex-vedette brésilienne, dans la droite lignée d'une première sortie moins médiatisée à Lens, mais également remarquable, cette fois dans un registre plus défensif (!). De quoi donner quelques espoirs aux supporters girondins quant à une tardive rédemption de la star déchue de la Selecao.
Pourtant, un mois et demi plus tard, le gaucher a eu du mal à poursuivre sur sa lancée. Ses dernières prestations se sont avérées décevantes: lenteur dans les transmissions, "oublis" de partenaires démarqués, faiblesse dans l'orientation du jeu... Ricardo a probablement mesuré l'étendue des gestes approximatifs qui ont rendu le Brésilien tristement célèbre du côté de Séville. Et jaugé le handicap que Denilson peut constituer pour son équipe quand il n'est pas en forme: depuis le match face à Rennes, les Marine et Blanc ont en effet enchaîné trois rencontres (Ajaccio, Metz, Sochaux) sans saveur: le milieu gauche n'est probablement pas le seul responsable de cette situation (Bordeaux a aussi souffert de l'absence de Smicer), mais la coïncidence entre sa méforme et celle des Girondins est frappante. C'est d'ailleurs peut-être ce qui a poussé Ricardo à renvoyer son compatriote sur le banc samedi dernier contre Toulouse, après une première mi-temps insipide de ce dernier (et de l'ensemble de la formation girondine). Le Brésilien a été remplacé par Francia, le jeune espoir du club qui n'avait disputé que trois minutes de jeu jusque-là, et qui n'en a mis que dix de plus pour s'avérer plus décisif que Denilson depuis son arrivée sur les bords de la Garonne: un coup franc, un but. Considéré comme un titulaire en puissance à son arrivée, l'ex-Sevillan devra probablement, dans les semaines à venir, subir la rude concurrence d'un milieu de terrain bordelais fourni et finalement assez homogène. Avec Smicer, Francia, Cheyrou, et Alonso, ils sont désormais cinq à se disputer les deux places de joueur de couloir offensif du 4-4-2 Ricardien.
Muller premier de cordée
La crise du Paris Saint-Germain n’est décidément pas de saison et les progrès de l’OM ne sont pas davantage fédérateurs de papiers aigres-doux ou autre subtile polémique... Faute de grives, on se contente de merles, et la meute se rabat donc sur ce pauvre Joël Muller. Avouons-le, il avait besoin de tout, sauf de cette attention médiatique, avec ses pauvres quatre points engrangés après douze journées de championnat. La question incontournable de la semaine est donc la suivante: "Quand Carlo Molinari va-t-il prendre ses responsabilités en se débarrassant de son entraîneur?"
L’amnésie permanente de la confrérie est tellement navrante qu’il serait bon, un jour ou l’autre, de confronter au même type de sanction tout auteur de trois papiers médiocres consécutivement. Le souvenir d’un Molinari esseulé face à son conseil d’administration déterminé à licencier ce même Joël Muller dans une posture similaire, il y a quelques saisons à peine, devrait alors se faire moins lointain. Ses successeurs n'avaient pu endiguer la chute du club en deuxième division à terme. Il avait même fini par tutoyer dangereusement le troisième échelon national.
Si Molinari résistait à la vindicte en maintenant son technicien à la tête d’un effectif jeune et plus prometteur qu’il n’y paraît, il ferait peut-être gagner du temps à son club – à défaut de lui éviter la relégation. Mais la dictature du court terme a besoin de victimes, vite.