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Du tiki taka au tiki cata : éloge funèbre de la Roja

Le règne de l’Espagne a pris fin sous les coups de boutoir d’un Chili enthousiasmant. L’occasion de rendre un dernier hommage épistolaire aux héros ibériques, grands dominateurs de ces dernières années.

Auteur : Christophe Kuchly et Julien Momont le 19 Juin 2014

 


Ma chère petite Roja,

Cela faisait six ans. Six ans que tu étais la plus belle pour aller danser. Oh, tu as toujours été très jolie. Mais, depuis l’arrivée de Tonton Aragones, c’était toi la reine du bal. Enfin, tu allais jusqu’au bout, toi de qui on s’amourachait avant d’avoir si souvent le cœur brisé. Ces temps délicieux paraîssent bien éloignés, désormais.

Il n’était pas toujours bien vu des autres, Tonton. Faut dire que des fois, pour te motiver, il débordait un peu. Mais ça marchait, alors on lui pardonnait bien volontiers ses élans mal maîtrisés. Et puis, sur le terrain, là où ça se passe, il te faisait briller. Lui qui t’a menée puis admirée au sommet, rayonnante, est parti avant d’assister à ta chute.

Bien sûr, tu n’étais plus tout à fait la même, depuis le départ de Tonton, à l’issue de cet été austro-suisse où tu t’étais, enfin, coiffée du diadème européen, quarante-quatre ans après ta devancière. À l’époque, tu avais un récupérateur et un buteur. Marcos et Fernando. Protecteur et finisseur. Et un chef d’orchestre, Xavi, baguette vive et intelligente. Iker, Andrés, Sergio, Cesc et David en étaient déjà, eux aussi, le soir de la consécration. Ils auront été de tous les concours. Les derniers seront sans doute des suivants.
 

 


 

Parce qu’après tout, c’était toujours la même bande. Immune à l’épreuve du temps. C’était toi, le port altier, royal. Souveraine. Tu n’es pas restée immobile pour autant. Comme ta muse catalane, tu as poussé ton idée à l’extrême, jusqu’au bout, quitte à en mourir. Et pourtant, ton nouveau père, Vicente, était un Madrilène. Il t’a maintenue debout, au cœur même de la tempête de clasicos houleux, qui auraient pu ronger ta belle unité. Un bout de tissu rouge comme ralliement, pour effacer les maux et camoufler les bleus.

Encore moins partageuse, tu as commencé à te passer d’attaquant. Pour pouvoir tout contrôler, disais-tu. Ce ballon ne devait plus t’échapper. Ainsi, comment pouvait-il te causer du tort? De romantique, tu es devenue méthodique, presque pragmatique, attendant patiemment ton heure, certaine de ta victoire finale. Inéluctable. Car elle finissait toujours par arriver.

Ta première couronne planétaire, en 2010, ne fut pas la plus excitante. Le minimum. Ne jamais faire plus que le nécessaire, c’était devenu ton credo. Une machine implacable, moins enthousiasmante mais tellement efficace! Même dans les instants moins distingués, quand le tempo de la valse se faisait trop lancinant pour que la passion demeure, il y avait toujours Xavi ou Andrés pour remettre une part de rêve, et nous renvoyer à ton étincelant passé proche.
 

 


 

Qui pouvait t’arrêter? Personne, visiblement. Même plus froide, moins clinquante, plus conservatrice, ton charme restait inégalé. Inégalable. La douceur collective de tes traits fascinait encore. Les trouvailles, comme le petit Jordi, ont entretenu la flamme de ta fibre conquérante. Des petites retouches, un léger coup de pinceau, des détails qui faisaient pencher la balance dans le bon sens, encore et toujours. Ton trône continental a parfois vacillé, en 2012. Mais l’heure du déclin n’était pas venue. Alors, tu as continué à parader au sommet, sûre de ta force et de ta doctrine, droite dans tes bottes. De quoi irriter ceux qui n’attendaient que ta chute, forcément.

Ceux-là se sont vite réjouis de tes déboires dans la moiteur brésilienne. Enfin, l’œuvre du temps se fait cruellement sentir. Enfin, tes jambes te trahissent et se dérobent. À ne pas vouloir changer, tu es devenue fade et sans surprises. À ne pas t’être renouvelée, tu es devenue prévisible et ordinaire. Tu restes, en apparence, toujours aussi attrayante. Mais ta ta prestance et ta vigueur t’ont désertées, et la petite touche exotique dérobée à l’hôte de ton été n’y a rien changé.

Alors c’est l’heure des au revoir. Effaçons de nos mémoires les mains tremblantes d’Iker, les cannes chancelantes et couinantes de Xavi et Xabi. Et souvenons-nous. Souvenons nous de tes offrandes enchanteresses. Souvenons-nous de tes contrôles exquis. Souvenons-nous de tes dribbles virevoltants. Souvenons-nous de ton harmonie collective à nulle autre pareil. Souvenons-nous de tes remontées de balle infinies. Souvenons-nous, enfin, de ton intelligence, nichée dans ton moindre regard, ton moindre geste, ta moindre parole.

C’est fini. Mais joder, qu’est-ce que c’était bon.

 

Réactions

  • Jean-Luc Skywalker le 19/06/2014 à 09h36
    Ouais, ouais, ouais, c'est bien gentil tout ça, mais toutes ces années de domination internationale espagnole ont été autant d'années de souffrance pour moi, et chacune des déconvenues de la roja, que ce soit en amical contre le Portugal (0-4) ou en finale de coupe des confédérations l'an dernier me provoque un plaisir aussi malsain qu'inexplicable. Le même plaisir que je ressens à chaque (rare) défaite de Nadal, dont la fin de règne commence un peu à se faire attendre. Et rétrospectivement, leur victoire en 2010 est quand même marquée du sceau de la grosse chatte.

  • betomar le 19/06/2014 à 09h54
    Effectivement, je me suis surpris à applaudir ces beaux buts chiliens hier soir. Alors que l'Espagne joue depuis 6 ans à peu près le foot qu'on rêve de pratiquer (qui, finalement, quand il entraîne une telle domination, n'est peut-être pas le plus beau à regarder).
    Mais sinon, cet article rappelle forcément le fameux "Nous nous sommes tant aimés":
    lien
    C'est plus fort que moi, j'y repense à chaque début de compétition des Bleus. Inutile de vous dire que le 3-0 contre le Honduras m'a fait du bien.

  • Baka in the sky with ballons le 19/06/2014 à 10h09
    Belle éloge.
    Pour une équipe que j'espérais tant voir tomber, je suis un peu déçu par cette sortie en phase de poules. J'aurais souhaité une élimination au sommet de leur gloire en match à élimination directe.

  • forezjohn le 19/06/2014 à 10h11
    betomar
    aujourd'hui à 09h54

    Effectivement, je me suis surpris à applaudir ces beaux buts chiliens hier soir. Alors que l'Espagne joue depuis 6 ans à peu près le foot qu'on rêve de pratiquer (qui, finalement, quand il entraîne une telle domination, n'est peut-être pas le plus beau à regarder).
    ----------------------------------------------

    Je ne suis pas d'accord sur le foot qu'on rêve de pratiquer.
    La campagne de 2008 restera le chef-d’œuvre d'une équipe de rêve, ensuite le totalitarisme aura rendu cette équipe ennuyeuse, impressionnante sur un plan tactique et technique mais incapable de susciter, chez moi, le moindre enthousiasme.
    On fait souvent référence au handball comme inspiration pour cette équipe, on oublie juste de dire qu'au handball après une minute à rien du ballon, l'arbitre siffle un refus de jeu.
    L'espagne à partir de 2010 c'est entre 30 et 45 minutes de refus de jeu.

  • Ba Zenga le 19/06/2014 à 10h17
    Et ben moi, ça me peine, tout ça. C'est peut-être la plus belle sélection que j'aie vu jouer et leur règne ne me gavait pas du tout.

    Beaucoup l'ont trouvée ennuyeuse en 2010, perso elle m'a impressionné. D'arriver à gagner malgré le statut de grand favori, une opposition regroupée voire violente et une telle exigence technique parce que parvenir à garder et faire circuler la balle, il n'y a rien de plus difficile à mes yeux dans le football. Ce n'est pas un refus de jeu, c'est une volonté de maîtriser le match.

    Je dis juste chapeau.

  • Alexis le 19/06/2014 à 11h49
    Le défaut de cette équipe tient plus à sa concurrence à qu'à elle-même.

    Personne n'aura su, du temps de sa domination, la pousser à un match épique, un match fou, un match qui marque les mémoires plus que tout autre. Ce qui confère à son parcours, il est vrai, une impression de froideur.

    Et pourtant... Les 3 piliers du foot sont 1. son objectif : marquer des buts, 2. sa nature : sport collectif, 3. son objet : le ballon.

    Des buts, comme toute équipe dominatrice dans l'histoire du foot, elle a toujours su en marquer. Jusqu'ici, il n'y a rien de révolutionnaire. En revanche, elle a atteint deux sommets : celui du maniement du ballon, et celui de l'expression collective. Deux sommets jamais gravis auparavant par une seule et même équipe.

    On ne peut qu'être triste de voir disparaître des terrains une équipe qui a réussi, sur la durée, à afficher une telle maîtrise collective du ballon. Des solistes, l'histoire du foot en regorge. Des collectifs parfaitement coordonnés, aussi. Mais cette équipe demeurera la première à avoir une ligne de conduite dont on pouvait à peine rêver : le maniement du ballon au centre de tous ses efforts. L'utilisation de la sphère avait pour objet d'attaquer, bien sûr, mais aussi de défendre. Attaquer et défendre avec le ballon. Bref, même défendre devait rester un jeu.

    S'ennuyer en les voyant, c'est nier la justesse technique des gestes de ces joueurs, l'intelligence de leurs déplacements, c'est oublier le fondement collectif de ce sport, c'est banaliser la notion d'échange, ciment du jeu, c'est aussi et surtout ignorer la difficulté que représente la mise en oeuvre d'un projet collectif.

    Atteindre de tels sommets de conservation du ballon requiert des qualités rationnelles : technique individuelle et qualités athlétiques (endurance et vivacité surtout). Mais plus que tout, cela réclame du sentiment, bordel! Il n'est certes pas forcément ici question d'amour ou d'amitié, ni peut-être même de fraternité. Mais l'intelligence collective appelle la confiance en l'autre, l'empathie, repose sur le partage (des idées, des efforts), se traduit par l'émotion provoquée par l'esthétisme des mouvements coordonnés, provoque la frustration de l'adversaire, fait bouillir les neurones des tacticiens, sucite l'excitation puis l'admiration de ses supporters.

    Bien entendu, la richesse des sports collectifs permettra toujours de savourer l'enthousiasme d'autres équipes, le talent individuel de grands joueurs, le senario fou de certains matchs, l'allégresse d'une victoire, la douleur d'une défaite. Mais j'éprouve une tristesse immense face à la disparition d'une telle oeuvre collective. Vraiment.





  • vertigo le 19/06/2014 à 11h55
    Alexis
    aujourd'hui à 11h49

    Personne n'aura su, du temps de sa domination, la pousser à un match épique, un match fou, un match qui marque les mémoires plus que tout autre. Ce qui confère à son parcours, il est vrai, une impression de froideur.

    -----------
    Le match de poule contre l'Italie à l'Euro 2012 aurait pu être celui-là, mais ce n'était qu'un premier match de poule. Malheureusement la finale fut bien différente.

  • le Bleu le 19/06/2014 à 12h36
    +2010 avec Alexis.


  • magnus le 19/06/2014 à 13h24
    Je pinaille un peu, mais je suis toujours surpris que Torres soit plus considéré comme "buteur" de la Roja en 2008 que Villa. L'énorme impact de son but en finale, sans doute.

  • la menace Chantôme le 19/06/2014 à 13h51
    Alexis
    aujourd'hui à 11h49

    S'ennuyer en les voyant, c'est nier la justesse technique des gestes de ces joueurs, l'intelligence de leurs déplacements, c'est oublier le fondement collectif de ce sport, c'est banaliser la notion d'échange, ciment du jeu, c'est aussi et surtout ignorer la difficulté que représente la mise en oeuvre d'un projet collectif.

    > Pas du tout. Ils auraient pu avoir la balle 100 % ou 0 % du temps que ça n'aurait pas changé grand chose pour moi.

    Ce qui est ennuyant, c'est qu'on sait pertinemment ce qu'ils vont tenter de faire pendant 90 minutes. Il n'y a plus grand chose d'inattendu dans le type de buts marqués par l'Espagne par rapport à l'Euro 2008, en tout cas pas à mon souvenir.

    Ils ont clairement marqué de beaux buts pendant 6 ans, hein, je ne dis pas le contraire. Et réalisé des performances hors normes sur une base constante, ça aussi, c'est vrai. Mais il n'y a rien d'anormal à ce qu'ils aient ennuyé beaucoup de gens, car, typiquement, l'humain ne peut pas s'émerveiller constamment des mêmes choses (mais chacun a son seuil, en revanche, c'est sûr).

La revue des Cahiers du football