Dossier arbitrage (2) Les solutions techniques
Si la plupart des mesures liées à la vidéo auraient des effets catastrophiques, certaines apparaissent indispensables, comme l'utilisation des images pour sanctionner rétrospectivement les fautifs et les tricheurs restés impunis en cours du match, ou vérifier le franchissement de la ligne par la balle...
Sanctionner l'antijeu et les violences
Les caméras des télévisions révèlent quantité de fautes qui passent inaperçues de l'arbitre. S'il n'est pas question de faire rentrer les caméras sur le terrain et dans la durée du jeu, il serait largement temps de faire rentrer les magnétoscopes dans les salles où se réunissent les Commissions de discipline. L'impunité totale des coupables, dont les gestes sont vus par des milliers de téléspectateurs, garantit la banalisation de pratiques qui compromettent gravement le jeu.
On ne peut manquer d'évoquer les cuisants incidents Bilic-Blanc et Dixon-Vairelles, qui ont vu deux simulations honteuses parvenir à leurs fins, à cette double peine qui fait que le comédien joue le prochain match, au contraire de sa victime. En restant crispées sur leurs principes, les instances disciplinaires européennes et mondiales ont validé et couvert des injustices flagrantes.
Un usage raisonné de la vidéo doit permettre de sanctionner certains gestes inacceptables, clairement établis par les images. Citons les buts de la main, les protestations éhontées après une faute évidentissime, les mauvais coups donnés dans le dos de l'arbitre. Par exemple, les bagarres générales qui se déclenchent parfois sur la pelouse doivent être systématiquement réexaminées et chaque coup ou provocation doivent être punis de cartons jaunes ou rouges rétroactifs. Des suspensions doivent pouvoir être prononcées dans n'importe quel cas, aussi lourdes que l'antijeu est flagrant. Il est parfaitement absurde de laisser dans une zone de non-droit toutes les exactions que l'arbitre ne peut saisir.
En France, il faudrait que la Ligue modifie très simplement ses règlements pour que le seul rapport des arbitres ne serve pas de base unique aux poursuites, comme c'est le cas actuellement. Mais en ce moment, la LNF n'apparaît pas comme le plus grand militant de la cause de l'arbitrage. L'objectif de ces mesures n'est évidemment pas de multiplier les suspensions et les sanctions, même si une période d'apprentissage ferait forcément des victimes, mais bien de dissuader les tricheurs, dont la punition doit être plus grande que le bénéfice retiré. Un buteur de la main qui échappe au regard de l'arbitre ne doit plus échapper à la justice sportive, et s'il connaît le risque d'une longue suspension, il sera nettement moins tenté de recommencer.
En rendant plus beaucoup efficace la "police" sportive, on parviendrait enfin à changer les mentalités et à recadrer les comportements. L'énergie gaspillée à truquer et à transformer les rencontres en affrontements physiques pourrait être recyclée dans le jeu. Et le travail des arbitres sera considérablement facilité.
Dedans/dehors
Il est déjà difficile d'accepter qu'un but soit refusé (ou accepté) sur une erreur d'arbitrage, mais il est encore plus insupportable qu'il le soit alors que le ballon a franchi (ou n'a pas franchi) la ligne. Le "but" au sens propre du football est comme chacun sait de "la mettre dedans", la moindre des choses est que cette règle originelle soit totalement respectée. À l'heure de la vidéosurveillance et des systèmes d'alarme, on a les capacités techniques pour s'assurer qu'une sphère de cuir a bien traversé le cadre, en privilégiant les solutions électroniques plutôt que des caméras. La FIFA n'a qu'à affréter une fusée Ariane pour mettre en orbite un satellite d'observation précis au centimètre près, elle en a les moyens. En attendant, on pourrait tolérer que le quatrième arbitre saisisse la possibilité de revoir des images qui lèveraient rapidement le doute, mais il est bien risqué de mettre un doigt dans cet engrenage (voir la 1ère partie du dossier).
La solution plus simple de creuser un léger dévers derrière la ligne de but (afin qu'un ballon rebondissant sous la barre rentre dans la cage) est intéressante. Les gardiens risquent de ne pas apprécier le piège de cette zone d'appui occasionnelle, mais cette mesure permettrait d'éliminer à peu de frais un certain nombre de cas malheureux (type finale de la Coupe du monde 66).
Bip
Pour le problème spécifique des hors jeux, une piste consisterait à utiliser un avertisseur sonore (du même genre que celui qui permet déjà la communication de l'assistant vers l'arbitre central pour signaler une faute ou un hors-jeu), déclenché par l'arbitre central (ou le "4e arbitre") au moment de la passe, le juge de ligne n'ayant ainsi plus à se concentrer que sur l'alignement des joueurs. Un inventeur belge a récemment déposé les brevets d'un système analogue. S'il est efficace, notre ami pourra postuler aussi bien au concours Lépine qu'au Prix Nobel de la paix. On peut encore imaginer d'autres solutions d'ordre technique, à condition qu'elles n'imposent pas de contraintes excessives et qu'elles soient réellement efficaces. La mesure la plus évidente reste cet usage rétroactif de la vidéo, qui pourrait être rapidement codifié et organisé par les confédérations et les associations nationales afin de mettre un terme à certaines mascarades disciplinaires.
Dans les prochains volets du Dossier :
La protection des arbitres sur le terrain et dans les coulisses, la professionnalisation de l'élite, le double arbitrage et les expériences comme le double arbitrage…
Dossier arbitrage
(1) La vidéo, un crime contre le football.
(3) Un débat : le double arbitrage.
(4) Protéger et professionnaliser les arbitres.