La Gazette : 5e journée
En fait, si le Feuilleton de la Ligue 1 n'existait pas, le championnat de France serait totalement chiant. Là, il est juste pénible.
Auteur : Le Feuilleton de la L1
le 31 Août 2005
Et bien voilà, le championnat est fini: Lyon a pris seul la tête, le PSG entre dans sa crise automnale avec une légère avance, Monaco et Auxerre mijotent dans leurs doutes, Auxerre n'est plus Auxerre, Rennes est redevenu Rennes... Tels seraient les enseignements (très) lapidaires de cette 5e journée. En tout cas, cet OL remanié, loin de tourner à plein régime, a tranquillement assuré la victoire en Bourgogne et ne semble pas devoir être menacé pour l'instant. Et plus tard, ce sera peut-être trop tard.
Attendu au tournant d'un début de saison flatteur mais pas totalement convaincant, le PSG a fait ce qu'on attendait: il a raté le tournant, suscitant immédiatement une marée de doutes et d'interrogations insidieuses. Ça aussi, c'était prévisible. Pendant ce temps, le Stade rennais donnait à Nancy l'occasion de sa première (large) victoire.
En dehors du MUC, bénéficiaire d'une courte victoire et qui pointe à la 5e place, le partage général des points dans les six autres matches contribue à l'agglutination de onze équipes sur quatre rangées, et au marasme des traînards, dont un OM désormais seul sous la lanterne rouge.
Les résultats de la journée
Auxerre-Lyon : 0-2
Paris SG-Nice : 1-2
Nancy-Rennes : 6-0
Le Mans-Troyes : 1-0
Marseille-Ajaccio : 1-1
Monaco-Lens : 0-0
Lille-Toulouse : 0-0
Saint-Étienne-Sochaux : 0-0
Nantes-Metz : 0-0
Strasbourg-Bordeaux : 0-0
Rolland à la relance
À la faveur de prestations convaincantes de l'AC Ajaccio, Rolland Courbis effectue sa tournée rituelle des comptoirs médiatiques, en bon client qu'il est, avec des avis sur tout — et surtout des avis. Parfois justes, souvent drôles, mais noyés dans un discours qui vise avant tout à servir son auteur (c'est son point commun avec Guy Roux). En VRP de lui-même, il assure donc le service maximum: même s'il ressert souvent les mêmes formules bien rodées ("Pour me prendre, il faudrait un président complètement fou ou complètement génial", son grand classique) et s'il se complaît dans une faconde à la fois misérabiliste, paranoïaque et orgueilleuse qui résume bien le personnage.
Rien de ce qui lui arrive n'est de sa faute, à commencer par le procès des transferts de l'OM qui le verra comparaître devant le tribunal correctionnel en janvier prochain. Tout est affaire de complot contre lui ou son équipe, comme la seconde place de l'OM en 99 ou la sanction privant l'ACA de 25% de ses droits télé, pour cause de non-conformité de son stade. Et s'il n'est pas pleinement reconnu comme un bon entraîneur, c'est parce qu'on lui a fait une mauvaise image. Courbis, c'est un peu la Sainte Vierge. Comme son palmarès.
On relèvera quand même cette boutade jetée à L'Équipe : "Avec Ziani, Rocchi Saïfi, Chafni, on a surtout essayé de prendre des joueurs avec des noms corses". Connaissant les dérapages anti-Arabes sur l'île de Beauté, l'ironie est mordante.
Mille excuses, mais chaque fois la même
La rubrique des "Mots du foot", dans notre mensuel, devrait traiter une expression qui devient coutumière, en dépit de ce qu'elle énonce pourtant: "Je n'ai pas pour habitude de critiquer les arbitres". Inévitablement suivi de "Mais là…" Que ce soit donc clair: les entraîneurs n'ont pas tous l'habitude de critiquer les arbitres, mais ils y viennent toujours un jour ou l'autre. C'est quand même plus pratique que de dire: "Mes joueurs sont des chèvres" ou "Je me suis bien planté dans mes choix tactiques".
L'amour du maillot
"Les arbitres ont reçu des consignes", entend-on traditionnellement en début de saison. Phrase légèrement énigmatique qui sous-entend que l'application des lois du jeu connaît des variations d'une année à l'autre. Bref, le thème de la saison, ce sont les accrochages de maillot dans la surface de réparation, véritable plaie du football moderne, qui implique que l'on teste d'abord la résistance de la fibre portée par son adversaire avant de chercher à lui disputer le ballon. Parfois, l'arme se retourne pourtant sur ceux qui l'utilisent, défenseurs flemmards qui préfèrent agripper leur vis-à-vis plutôt que se préoccuper de la trajectoire des corners ou des centres. Mal en a pris à Mario Yepes qui, se sentant peut-être battu d'avance face au mètre quatre-vingt quatorze de Traoré s'est littéralement accroché à ses basques. Choix idiot puisque le ballon, pas spécialement haut, était parfaitement jouable pour le Colombien. Celui-ci a ensuite été frappé d'amnésie, décrivant ainsi l'action: "Je suis au duel de la tête avec Traoré, je ne sais pas trop s'il me passe devant. Il va haut, j'essaie" (L'Équipe).
C'est une autre histoire de hauteur qui a animé les controverses d'après Marseille-Ajaccio, à propos du penalty sifflé contre l'OM. "Nous perdons deux points sur une grossière erreur d'arbitrage", a ainsi assuré Jean Fernandez. Pourtant, qui de l'arbitre ou de Ferreira a fait l'erreur la plus grossière, sachant que le latéral marseillais attrape bien Lucas avec le bras, alors que, justement, le centre était trop haut pour l'attaquant brésilien? Ne serait-il pas plus simple de chercher seulement à jouer le ballon au lieu de se rendre coupable de fautes parfaitement inutiles?
Cana der
Il portait le maillot parisien dimanche à Troyes, il revêt le maillot marseillais samedi au Vélodrome... Sans états d'âme, et comment le blâmer? Le changement inopiné de club ne devrait pas engendrer de commentaires spécifiques, sous prétexte qu'il s'agirait de deux clubs "rivaux". La logique qui préside aux choix de carrière des footballeurs n'a plus rien à voir avec les mythologies qui nourrissent la passion des supporters, il serait temps de ne plus s'en étonner. En revanche, si les spécialistes de la mobilité professionnelle pouvaient nous épargner leurs pitoyables épanchements sur leur ancien club qui leur a "manqué de respect" et sur leur soudaine inclination pour leurs nouvelles couleurs, nous ne nous en porterions que mieux, et les culs seraient moins merdeux.
Éternel déclin
Il y a un autre rituel à peu près incontournable, qui se reproduit très tôt dans la saison. Sauf que là, il arrive encore plus vite: il s'agit du lamento sur la qualité douteuse du spectacle proposé par la Ligue 1. Avec pour spécificité que cette année, à 5,3 millions d'euros la rencontre, notre championnat est bien mal inspiré de battre ses records de 0-0 et d'afficher une moyenne de buts encore en baisse, malgré les piquettes homériques enregistrées ici et là. Et effectivement, au bout de cinq journées, on a l'impression d’assister à une deuxième session de matches de préparation, à l'image de ce Monaco-Lens absolument soporifique.
L'Équipe a donc convoqué Frédéric Thiriez, le président de la Ligue, et Alexandre Bompard, le directeur des sports de Canal+, pour commenter des courbes qui baissent (le nombre de buts par match) et d'autres qui montent (le nombre de matches nuls).
Sans préjuger de la suite des événements ni tenter d'analyser les causes de la pénurie, on peut déjà observer que le montant exorbitant des droits télé consenti par Canal+ a déjà un effet pervers: renforcer le dénigrement (déjà conventionnel) du championnat de France. Ce n'est évidemment pas le meilleur moyen de le "valoriser".