Scandale à la Papa
Un blog parodique déchaîne le courroux de Patrick Parizon et Franck Dumas, entraîneur et manager du stade Malherbe de Caen, qui ont porté plainte contre les auteurs. Ou comment avoir peur du ridicule sans craindre de se vautrer dedans... Tous ensemble, libérons le papablog!
Auteur : Pierre Martini
le 9 Avr 2007
"Un jour sur Internet, j’ai découvert qu’on pouvait mettre son journal en ligne. Un blog que ça s’appelle. Je suis tellement accro que j’ai convaincu Monique qu’on avait besoin de l’ADSL (non, c’est pas le nom de mon prochain club, à Caen je suis bien). Ici, vous pourrez suivre l’actualité du club à travers le regard de mes yeux". Ainsi (ou presque) commence le blog parodique de Patrick Parizon, alias "Papa" et ci-devant entraîneur du Stade Malherbe de Caen, sous la plume de quatre auteurs – tous supporters du club, évidemment. Un blog dont la poursuite a été suspendue depuis une dernière chronique en forme d'au revoir giscardien et le dépôt de plaintes par Patrick Parizon et Franck Dumas...
The road to Guingamp
Bien que candidat à la remontée, l'actuel second de la Ligue 2 se prête quand même à la satire, avec ses quatre entraîneurs aux commandes et des figures comme son manager général Franck Dumas... En fait, comme n'importe quel autre club professionnel, tant le football nous offre son lot de personnages pittoresques et de péripéties toujours renouvelées.
Le blog est donc truffé d'aventures épiques, comme ce déplacement à Guingamp pour y superviser un futur adversaire, ou bien cette virée dans Niort by night – où "tout est vert, comme s’ils avaient pris le décorateur de Derrick comme architecte". On y trouve aussi des références très locales: vous en apprendrez ainsi sur la consanguinité à Dives-sur-Mer ou sur le Souterroscope de Caumont-l’Eventé (Papa rêve que le président Fortin lui demande d'y égarer quelques joueurs).
Tout au long de ces chroniques amusées et amusantes, on sent le souffle de notre seconde division et de ses ambiances bucoliques. "À Tours, Cédric Collet, c’est un peu une filiale de Djibril Cissé en Ligue 2. Y a des gens qui customisent leur voiture, lui, c’est ses chaussures" (lire aussi les extraits, ci-dessous). Le tout compose avec talent et imagination une chronique parodique de très bon aloi qui doit, sans nul doute, régaler les supporters du SM Caen. Aucune malveillance, ni de diffamation, si l'on conçoit la notion de deuxième degré.
« Ils ont raison d'avoir peur » - Franck Dumas
Ce n'est manifestement pas le cas de Patrick Parizon et Franck Dumas. À la suite de leurs plaintes, déposées fin janvier, l'un des parodistes reçoit ainsi la visite d'enquêteurs, le 2 février, avant d'être invité à faire une déposition au commissariat quelques jours plus tard. Devant l'absurdité de la situation, les auteurs sont persuadés qu'une simple discussion suffira à lever les malentendus et éviter une mauvaise publicité à leur club préféré. Après avoir suspendu la mise à jour du blog, les auteurs essaient donc d'entrer en contact avec le club, sans réussir à dépasser le stade du standard téléphonique, puis proposent un entretien dans une lettre recommandée qui reste sans réponse.

"Nous sommes quatre supporters fidèles du Stade Malherbe de Caen depuis notre plus tendre enfance. Nous avons connu la première montée du SMC en L1. C’était en 1988. Lors de ce match, nous encouragions Franck Dumas sur le terrain face aux Chamois Niortais entraînés par Patrick Parizon", expliquent les auteurs dans un post explicatif daté de dimanche. "Nous avons cru que rire du club que l’on soutient, c’était aussi lui dire combien on l’aimait", ajoutent-ils pour résumer leur pensée.
Doublement ridicules
L'épisode est édifiant et indique le degré de maturité de nos clubs professionnels ainsi que leur goût pour la liberté d'expression – même si, en l'occurrence, le SM Caen ne s'est pas associé à la plainte de ses deux salariés (dont le président Fortin s'est toutefois déclaré "solidaire"). Il y a quelques semaines, l'Olympique lyonnais mettait en demeure les sites de fans de retirer tous les éléments visuels dont le club est propriétaire – à commencer par le blason de l'OL (on préférera, ici, ce terme à celui de "logo").
Les clubs tendent ainsi à se comporter "comme des entreprises" (c'est leur devise constante), quitte à achever la privatisation de ce qui est pourtant un patrimoine commun, dont la valeur a été formée, au fil de leur histoire, par les contributions de centaines d'hommes – joueurs, entraîneurs, bénévoles, supporters, élus – avec, toujours, le support financier des collectivités.
À quand l'interdiction d'émettre le moindre discours non autorisé? À quand celle de porter des écharpes ou des vêtements aux couleurs d'un club s'il ne s'agit pas de produits dûment estampillés "officiels"?
L'absurdité de la démarche est bien exprimée par le constat que les clubs s'en prennent ainsi à leur supporters les plus fidèles. Quand ce ne sont pas les associations qui en font les frais, ce sont des fans qui ont le tort d'avoir trop d'esprit. Voilà qui en dit assez long sur le genre de spectateurs qu'appellent de leurs vœux les dirigeants.
Pourtant, des "entreprises" plus malignes ne se fourvoieraient pas dans une telle démarche... Les deux techniciens du Stade Malherbe sont manifestement bien mal conseillés, car non seulement ils passent pour de tristes sires procéduriers et dépourvus de sens de l'humour, mais ils font aussi la publicité de ce qu'ils voulaient dénoncer. Surtout, quand on vous tourne gentiment en ridicule, il vaut mieux éviter de surenchérir sur votre caricature en jouant les outragés: vous risquez simplement d'avouer que vous vous êtes reconnu en elle...
Note : une mésaventure analogue est arrivée à l'auteur d'un blog parodique de Georges Eo, qui nous a signalé avoir dû, lui aussi, cesser son activité sous peine de poursuites de la part du FCNA. L'auteur a préféré suspendre sa production "pour cause de froussardite aigüe".

Il semblait pourtant que Franck Dumas n'ait eu besoin de personne pour s'asseoir sur son amour propre.
Le blog de Papa : extraits
« On a repris l’avion, Garande a voulu entonner la chanson de Gérard Blanchard sur la Normandie, tout le monde a rouspété et a mis ses écouteurs de musique. Moi je me suis endormi en me disant qu’il valait toujours mieux se coltiner une chanson de Gérard Blanchard qu’une saison avec Jocelyn Blanchard, à l’heure qu’il est ».
« Ce lundi matin, j’ai décidé, sur les conseils de Gregory Proment qui est littéralement tombé amoureux de ce lieu, d’aller faire mes courses au Leclerc rue Lanfranc. C’est vrai que depuis les travaux, ça a un certain cachet. Je suis arrivé après l’entraînement du matin, vers midi, et j’ai croisé Stéphane Samson. Tous les deux on a fait pas mal de boucles d’escalator pour comprendre comment les caddies ils font pour pas bouger alors qu’il y a une pente. Mais comme il y avait un autre entraînement à 16H30, on est reparti sans avoir le temps de faire nos courses, convenant que nous irions tous deux vers 16H50, après l’entraînement ».
« Je lançais des petites boulettes de papier sur une bouteille de Gini. A un moment la bouteille en est tombée, j’avais pourtant pas visé fort. Alors ça m’a rappelé le jeu dos au but de Valéro ».
« On a discuté de tout et de rien mais on s’est séparé brutalement parce qu’Arturo et Monique ont eu une violente altercation à propos de l’orthographe de "baraque à frites" ».
« Avec mon enquête, plus Francky qui gueulait sur les mecs de la B, coupables d’avoir ralenti le rythme lors du 24e tour de terrain, j’avais le crâne aussi désorganisé qu’un repli défensif de Créteil… ».
« Le lundi, Francky est arrivé très tôt au stade, vers les 7h00. C’est le gardien qui me l’a dit, il avait été réveillé par Dumas ; il n’a pas les clés du local, vu que c’est moi qui les ai, rapport aux plots que je dispose ».
« Il faut encore plus de diplômes pour être journaliste que entraîneur, c’est dire ».
« Moi mon boulot, c’est plutôt tout ce qui est fait en aval, comme présenter la compo de l’équipe pour Eurosport, mettre les plots sur les terrains d’entraînements, ou remplir la feuille de match ».