Au secours de la défaite
Ça y est, Vincent Duluc et avec lui L'Équipe semblent enfin avoir découvert la dérive oligarchique du football européen. Faut-il les applaudir?
C'est un édito impeccable, auquel on souscrit totalement. Ce mercredi dans L'Équipe, Vincent Duluc s'insurge, à propos de la réforme de la Ligue des champions, contre la "caste" qui a "confisqué le football". On pourrait lire les mêmes termes ici même. On les y a d'ailleurs lus des dizaines de fois, depuis plus de vingt ans.
On applaudirait volontiers, sans aucun souci de perdre notre quasi exclusivité sur ce discours. Oui, mais le problème est bien là, dans ces deux décennies qu'il aura fallu pour parvenir, dans notre quotidien sportif, à une conclusion évidente depuis le début.
Vincent Duluc vole au secours de la défaite. Lui et ceux qui l'imiteront, si c'est bien un signal qu'il a donné, vont s'offrir bonne conscience et assentiment général en dénonçant non les dérives évidentes qu'ils auront si assidûment ignorées, mais leur aboutissement. Des dérives dont leur incroyable passivité aura été complice.
Ce n'est pas la première fois qu'il semble tomber des nues, et nous avec, estomaqués par ce qu'on désignera comme de la candeur, par charité. Que l'on puisse encore tirer de petits profits symboliques d'un ralliement si tardif est bien dérisoire, la colère réside dans le constat que le combat, ni même le débat, n'a jamais eu lieu – comme bien d'autres dans le football.
Puisque la paresse caractérise une frange – hélas pas la moins puissante – du journalisme sportif, recopions ici un extrait de l'article consacré, dans le numéro 5 de notre revue, à la "révolution libérale" du football.
"Elle s'est déroulée à ciel ouvert, au vu de tous, et on peut la documenter sans peine. Mais elle a à peine été commentée et encore moins critiquée. Elle n'a même pas été nommée. (…) Les médias sportifs ont regardé ailleurs, renonçant à exercer tout devoir de vigilance: ils tiraient bénéfice de l'attention extraordinaire suscitée par ce football-spectacle. Leur manque de culture politique et critique a achevé de les désarmer. (…) La révolution libérale s'est accomplie sous nos yeux, et le plus extraordinaire est que personne n'en a rien dit."
Nous te prions de croire, cher lecteur, que nous aurions préféré que nos pauvres combats soient partagés, et ne pas avoir à volleyer les Tartuffe dont la moindre des caractéristiques n'est pas leur formidable incapacité à envisager leurs propres responsabilités.