Comment s'inventer une enfance footballistique
Quand on ne s'est intéressé au foot qu'à l'âge adulte, on peut éprouver un sentiment d'imposture. Nos conseils pour y remédier.
Extrait du dossier "enfance" du numéro 4 de la revue des Cahiers du football, juin 2020.
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Attablé à une terrasse de bar lors d'un apéritif estival, vous entendez tous vos amis évoquer leurs souvenirs footballistiques d'enfance avec nostalgie (quand ça parle de l'époque où un autre club que le PSG pouvait remporter un titre national) et grands éclats de rire (quand ça parle de l'époque où les recrues étrangères du PSG s'appelaient Richard Niederbacher, Enrique De Lucas ou Albert Baning, ceci expliquant peut-être la parenthèse précédente).
Mais vous vous sentez un peu exclu de la conversation: vous, vous avez commencé à suivre le foot à la fin de l'adolescence ou au début de l'âge adulte, parce que la France vivait un beau parcours dans une compétition estivale, parce que le club de votre ville accédait à la première division ou simplement parce que vos potes regardaient et que vous ne pouviez pas passer à côté d’une soirée pizza-bières.
Quand la conversation en vient aux souvenirs, vous avez la sensation de pouvoir être démasqué à n’importe quel moment. Pas d’inquiétude: en suivant quelques conseils très simples, vous pourrez totalement donner le change et faire croire aux gens que vous avez pris votre première licence en poussins.
image Old School Panini
1. Vouez-vous à un (joueur) culte
En dehors de votre club de cœur, il vous faut à tout prix un joueur qui a bercé votre enfance. Mais attention, il ne suffit pas d'une lecture du palmarès du Ballon d'Or pour trouver une idole respectable. L'équilibre est plus précaire que ça. Votre joueur culte devra être assez bon pour avoir marqué les gens de votre génération, mais ne doit pas non plus avoir été le meilleur de son époque pour vous éviter de passer pour un gold digger.
La meilleure méthode reste donc d'écouter de qui parlent les footeux de votre âge et de faire votre choix entre Susic, Bergkamp, Larsson et autre Baggio devant une compilation YouTube. Quelques images de buts et de gestes techniques vous semblent insuffisantes pour parler en détail d'un joueur? Dites-vous qu'on n'en voyait pas plus à l'époque.
Le petit plus. Si vos amis n'ont évoqué que des CR7 ou Messi qui n'ont rien d'original, munissez-vous d'un album Panini de l'année de vos dix ans, checkez les cinq critères suivants et essayez de trouver un joueur qui en respecte au moins trois: en surpoids, gaucher, cheveux longs, Argentin, Néerlandais. Il fera forcément l'affaire.
2. N'Golo brocantez
Internet a rendu la chasse aux maillots vintage tellement facile qu'elle en a presque perdu de son charme. Une liquette de votre club favori sans sponsoring d'un site de paris, sans couleurs fluo et sans motifs psychédéliques est évidemment un indispensable, mais vous ne ferez croire à personne que vous portiez déjà du XL à l'école primaire.
Fouillez donc plutôt dans les brocantes et trouvez de quoi documenter à moindre prix votre passion enfantine pour le football: produits dérivés ringards, maillots taille enfant à encadrer pour mettre dans votre bureau, billets ou fanions à collectionner… Surtout que le hipstérisme et la tendance au second degré ont rendu socialement acceptable le fait d'avoir un verre à moutarde Candela 2002 chez soi.
Le petit plus. Rien ne ressemble plus à un enfant qu'un autre enfant. Trouvez une vieille photo d'équipe et dites que vous êtes l'un des gamins. Attention toutefois: une recherche Google maladroite pourrait vous conduire vers des recoins du dark web vous valant une surveillance par la NSA.
3. Mettez les petites histoires dans les grandes
Vous vous en êtes rendu compte à la façon dont ont été traités les "lynx" du PSG en 2012 ou les "8-12 ans" de l'OL entre 2002 et 2008: les supporters n'ont que du mépris pour ceux qui ont commencé à suivre un club au moment où celui-ci gagnait. Alors faites comme les Marseillais qui, au début des années 90, sont évidemment tous tombés amoureux de l'OM après la main de Vata et pas après la tête de Boli. Épluchez les encyclopédies du foot et inventez vos propres petites histoires en vous basant sur la grande.
La plus faible affluence à domicile de l’histoire de votre club? Vous étiez au stade avec votre père et vous vous souvenez d'ailleurs que les larmes avaient gelé sur vos joues après cette élimination par un club de D2, en Coupe de la Ligue, dans une tempête de neige. Cet arbitre qui a sifflé un hors-jeu inexistant lors d'un match décisif? L'émotion vous saisit encore en entendant son nom, que vous utilisez d'ailleurs comme une insulte aujourd’hui.
Cet attaquant qui a fini deuxième meilleur buteur du club lors d'une saison anonyme avant de ne plus jamais dépasser les cinq buts en championnat au cours de sa carrière? Vous vous preniez pour lui en claquant des volées à la récré. Et qu'importe si, en réalité, vous lisiez une BD en pestant sur ce ballon qui faisait du bruit en tapant sur la vitre.
Le petit plus. Rentrez dans un PMU, discutez avec des vieux et appropriez-vous leurs anecdotes en les attribuant à votre grand-père. Une méthode qui nécessite toutefois une forte résistance au blanc-cassis et au communard.