Comment vivre le football sans le football
Démode d'emploi – Avec l'arrêt des compétitions, le sevrage est brutal, mais les vrais accros sauront trouver des substituts.
Depuis le confinement et ce scénario de fin du monde qui nous guette, il nous a fallu renoncer à certains luxes, comme les sorties entre amis ou encore la possibilité de se torcher sans être pris de panique face au risque de pénurie.
Il a fallu aussi renouer avec les membres de son foyer, ce qui s’est avéré horrifiant pour plusieurs raisons. Enfin, nous avons dû renoncer au football. Beaucoup trouvent des solutions de contournement pour avoir leur dose tout de même.
Le site Footballia, qui archive des centaines de matches, n’a jamais connu autant de trafic depuis sa création. Les chaînes de sport rediffusent. Les désœuvrés – catégorie de la population plus large que jamais – s’adonnent aux challenges de jongles et notre niveau collectif en quiz culture football a significativement augmenté.
La sagesse populaire voudrait qu’on trouve le positif dans chaque situation: plus d’interventions mystifiantes de Pierre Ménès, moins de vitupérations de Daniel Riolo. Mais aucune quantité de quiz ou de matches historiques ne comble le cruel manque de football.
Ce qui s’explique très simplement: on ne regarde pas le football, on le vit. Comment, alors, vivre le football sans football? Heureusement, tel le nombre d’or dans la nature, le football est partout: il suffit d’en recréer les conditions.
Restaurer la tension d’avant-match
Vous vous êtes vu avant un match de votre équipe? Cette tension qui monte progressivement dans la journée pour éclater le soir venu. Cette boule au ventre est facilement reproductible.
Observez un régime de deux heures de BFMTV, suivies d’une errance intermittente sur les réseaux sociaux, des devoirs des petits et de la bourde quotidienne de Sibeth Ndiaye et vous aurez atteint le seuil de pression, ce doux point de tension où les nerfs cherchent le soulagement que seule la confrontation peut fournir.
Se trouver un adversaire
Par les temps qui courent, le choix est large: le gouvernement, le pangolin, le compte Twitter de l’ambassade de Chine en France, le gouvernement, les joggeurs, les Parisiens, les joggeurs parisiens, le gouvernement.
Vous pouvez également intégrer des ligues déjà formées, comme la ligue du Pr. Raoult, alias le Youri Gagarine de la médecine, à jamais le premier et tutti quanti. Les supporters marseillais ont reporté tout leur manque de l’OM sur le professeur hirsute.
Des banderoles accrochées en ville, des débats enflammés sur les réseaux sociaux, de la chicanerie, les pro et les anti: qui regrette encore le "Classico" contre le PSG?
Constituer un public
Que nous soyons FC Fenêtre ou Olympique Balcon, le confinement n’aura pas eu raison de nos moyens de communication et de communion. Il est toujours possible de rassembler un public même modeste depuis le confort (relatif) de son chez-soi.
Sortez vos drapeaux, vos banderoles et vos registres de chants "Et quand les balcons se mettent à chanter, c’est tout l’immeuble qui va s’enflammer". Faites attention, tout de même, parce que d’une initiative charmante on peut rapidement passer pour un pyromane, surtout avec le retour de ce délicieux vent printanier de délation.
Faire l’After
Il n’a jamais été autant socialement acceptable de se piffrer (et de plus en plus tôt). Pastis et gin tonic par balcons interposés, il y a moyen de recréer les conditions propices aux analyses de comptoir.
"Henri, oh Henri t’as vu la masterclass de Raoult?
- Attendons qu’il concrétise quand même sur une saison! Si ça se trouve il va nous faire une Ben Arfa.
- Qu’est ce que t’as dit sur Ben Arfa? viens, viens me le dire en face!
- …"