La Gazette, numéro 79
Blatter à terre ?
Les choses se corsent pour Sepp Blatter, dont le sprint électoral ressemble de plus en plus à la scène majeure de Ben Hur ("Ils savent que si je ne suis pas démoli avant l'élection, je serai élu" a-t-il déclaré — AFP). La plainte dont son secrétaire général Michel Zen-Ruffinen l'avait menacé (voir Gazette 78) a bien été déposée par onze membres du Comité exécutif de la FIFA, et le président doit désormais rejeter les accusations en donnant des éclaircissements sur les divers versements litigieux (salaires ou sommes en liquide) qui suscitent des accusations de corruption. La Fédération anglaise a déclaré soutenir la candidature d'Issa Hayatou, un soutien qui pèse déjà dans la balance. Chung Mong-joon, vice-président de la FIFA et président du comité d'organisation sud-coréen de la Coupe du monde, a versé son bidon d'huile sur le feu en montrant une extrême défiance à l'encontre de l'actuel président.
Comme aucun sondage n'est disponible, le résultat du Congrès électif devient plus incertain. Johansson et ses affidés ont même réclamé le report du scrutin, sans aucune chance d'être exaucés, mais en espérant pour le 28 mai au mieux un coup de théâtre, au pire un durable amoindrissement de l'ennemi. L'enjeu est de parvenir à un rééquilibrage du pouvoir au profit de l'Europe, qui redonnerait à l'UEFA une prééminence à laquelle Blatter s'oppose. On mesure le paradoxe du soutien européen à la candidature estampillée "africaine" de Hayatou…
Mais Lennart Johansson est lui-même fragilisé au sein même de l'UEFA, où certains membres se défient de sa rage à engager un combat à mort avec son vieil ennemi Blatter (qui l'avait privé de la présidence de la FIFA en 1998), alors que les nuages s'accumulent sur la situation économique du football professionnel. En pleine période de préparation de la Coupe du monde, l'impression de zizanie donnée par les instances internationales ne rassure pas sur l'avenir de la discipline.
RMC tend la perche
La guerre des radios n'est pas totalement close, même si RMC Info conserve un avantage décisif dans sa confrontation avec l'alliance de la quasi-totalité de ses concurrents au sein du GIE "Sport libre". La radio s'est même permis le luxe "d'offrir" ses droits à Radio France, après avoir obtenu des autorités (Conseil de la concurrence et CSA) l'autorisation de négocier individuellement avec un partenaire éventuel, et non forcément avec le groupement. La radio publique diffuserait les rencontres en grandes ondes, ce qui permettrait de couvrir l'ensemble du territoire national. Mais Radio France a logiquement refusé une offre qui l'aurait obligé à rompre la solidarité.
Dans l'opération, RMC se dédouanerait des accusations de priver une partie des auditeurs français de toute retransmission en arguant du refus de tout arrangement, malgré la cession gratuite des droits. Les stations généralistes ont préparé des dispositifs de contournement de l'interdiction et tâcheront de couvrir l'événement avec une approche plus magazine…
Un plan d'austérité pour l'industrie du football
Les membres du G14 se sont réunis à Glasgow, le jour même de la finale de cette Ligue des champions qu'ils rêvent probablement de doter d'un troisième tour de poule. Devant une crise des droits de télévision désormais déclarée (1), nos très libéraux dirigeants sont soudainement pris d'une fièvre dirigiste et appellent de leurs vœux l'instauration d'un dispositif de limitation de la masse salariale (salary cap). Ils auraient même conclu un pacte et rencontré les dirigeants de l'UEFA pour faire avancer l'idée très rapidement (Reuters 16/05). Selon le système adopté, la masse salariale et les sommes consacrées aux transferts ne pourront excéder un montant calculé en fonction des revenus du club. Ce principe individualise fortement la contrainte et ne fixe pas de plafond commun. Il n'aura donc pas pour conséquence de réduire les écarts de moyens entre les clubs, les plus riches pouvant ainsi conserver leur suprématie économique. L'inflation a permis de creuser les inégalités, son arrêt préservera les positions acquises…
Le G14 n'entend pas s'arrêter là, puisqu'il veut également limiter à 25 le nombre de joueurs dans les effectifs. Une mesure de bon sens, qui vise à revenir sur une tendance dont les clubs les mieux dotés sont entièrement responsables, dans la mesure où ils ont assez peu judicieusement accompagné la hausse des salaires par une multiplication des salaires, accroissant une nouvelle les inégalités par une mainmise sur le marché. Enfin, les modes de rémunération vont changer et être plus largement indexés aux performances individuelles et aux résultats sportifs… Dommage que Vahid Halilhodzic, précurseur en France de cette méthode, n'ait pas été imité par certains cadors de notre championnat.
La seule chose que le lobby des grands d'Europe ne veulent pas diminuer, c'est le nombre de matches.
(1) Selon l'AFP, l'UER (Union européenne de radiodiffusion, regroupant les principaux médias audiovisuels du continent) a estimé à 30% la baisse des recettes dès la saison prochaine.