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« Pelé a toujours nourri mon imaginaire »

Entretien - Le street artiste brésilien Bueno Caos a réalisé une œuvre murale devenue virale : le baiser de Pelé avec la Joconde... et bien d'autres partenaires. 

Auteur : Rémi Belot le 31 Dec 2022

 

À Rio ou São Paulo, au hasard d'une rue ou d'un carrefour, on peut, avec un peu de chance, tomber nez à nez avec Pelé. Ou plutôt nez à dos : sur les murs et le mobilier urbain, "O Rei" y embrasse tantôt Salvador Dali, tantôt la Joconde, parfois d'autres figures de l'histoire de l'art ou de la pop culture.

"Pelé Beijoqueiro" est une série de collages imaginée par Bueno Caos pour rendre un hommage graphique à l'icône du football brésilien. Rencontre avec le street artiste dans son repaire de Santos, à une cinquantaine de kilomètres de São Paulo, où Pelé a réalisé la quasi intégralité de sa carrière professionnelle.

Entretien extrait de Total Futbol, éd. Cahiers du football, 2022. Disponible ici.

 

photo Rémi Belot
photo Rémi Belot

 

En Europe, on dit souvent que les artistes n'aiment pas trop le sport. Comment un street artiste décide-t-il de travailler autour du football ?

Je suis un grand fan de foot, même si je m'y intéresse beaucoup moins, aujourd'hui, que quand j'étais plus jeune. Comme beaucoup de gamins, j'y suis venu par mon père. Il était supporter du São Paulo FC, mais à son époque, dans les années 1960 et 1970, c'était Santos la plus grande équipe du Brésil. Il allait donc plus souvent les voir que São Paulo. Il y avait un énorme engouement populaire autour de cette équipe qui dégageait une véritable magie, tout comme l'équipe nationale du Brésil, d'ailleurs. J'ai passé toute mon enfance dans cet univers.

Il était donc naturel de travailler sur la figure iconique de Pelé ?

Pelé a toujours été un personnage très important : pour moi, il représente le Brésil. J'avais déjà réalisé un travail graphique sur lui en 2007. C'était une illustration très simple que j'avais imaginée pour le plaisir, sans l'objectif d'en faire une œuvre de street art. En voyant que je m'intéressais à lui, un ami m'a envoyé une image de Pelé embrassant Mohamed Ali. Une photo de 1977, prise au Giants Stadium, le jour de son départ à la retraite avec les Cosmos New York, où le boxeur avait été invité. Quand je l'ai vue, j'ai su instantanément que je pourrai la détourner pour l'utiliser d'une autre manière. J'ai donc réalisé un montage en remplaçant Mohamed Ali par Mona Lisa. J'ai aussi effacé le maillot du New York Cosmos pour mettre celui de Santos à la place. C'était très instinctif, une sorte d'inspiration qui n'a pas nécessité beaucoup de temps de réflexion. C'est sans doute lié au fait que Pelé a toujours nourri mon imaginaire.

" J'ai tout de suite su que ça allait être quelque chose de 'sérieux', le début d'une série. "

 

Quel message voulez-vous faire passer ?

Avant tout un message d'amour, de fraternité, avec cette façon très amicale dont il embrasse Mohamed Ali, dans un geste tout à fait brésilien. Pelé est une personne très affectueuse. Je ne le connais pas personnellement, mais tous ceux qui le côtoient le disent, au musée qui lui est dédié, ici à Santos, comme dans toute la ville.

Pourquoi avoir choisi de lui faire embrasser la Joconde, pour ce premier montage ?

Avant tout parce que j'aime l'art. J'ai fait des études d'arts graphiques et l'idée de mixer l'image d'une femme européenne peinte il y a cinq cents ans avec Pelé, qui représente pour moi l'image moderne du Brésil, m'a semblé naturelle. J'aime le principe d'un mélange entre un personnage fictif historique et un autre, réel, qui nous est contemporain. Il aurait pu étreindre un autre footballeur, mais ça n'aurait sans doute pas fonctionné de la même manière. J'ai tout de suite su que ça allait être quelque chose de "sérieux", le début d'une série. Cette première création a ouvert des portes.

Par la suite, on a donc vu Pelé embrasser Bob Marley, Batman ou John Lennon... Comment vous choisissez ces figures ?

Changer la personne que Pelé embrasse, c'est d'une certaine manière changer le sens du message. Pas totalement, bien sûr, car il y a toujours Pelé, et ce hug si particulier. Mais chacun apporte une sensibilité nouvelle à l'image. Pour autant, je ne veux pas non plus choisir n'importe qui. Je prends mon temps, et je ne retiens jamais de personnalités que je n'aime pas. À chaque fois qu'une célébrité décède, on m'écrit pour me demander de faire un nouveau montage. Mais je ne veux pas que la série perde son âme. Il faut d'abord que le personnage ait une forte connexion avec moi.

 

  Le "Pelé Beijoqueiro" de la Rua Augusta à Sao Paulo. Photo Rémi Belot.

 

Donc ce sont des artistes, des musiciens, des personnages de la pop culture... Pas d'hommes politiques ?

J'essaie d'éviter la politique. J'ai d'autres productions artistiques qui me permettent de traiter cette thématique d'une manière différente. Et je ne veux pas mêler Pelé à la politique. Je dois quand même dire que je l'ai fait une fois, au Chili, en 2016 : Pelé embrasse Salvador Allende, le président chilien démis par le coup d'État en 1973. Peut-être que j'en ferai d'autres dans le futur, mais ce n'est pas le moteur principal de mon inspiration.

Pelé connaît-il votre travail ?

Des collages ont été publiés sur son compte Instagram officiel. Je sais aussi qu'une de ses filles a fait une photo avec une de mes œuvres. Les personnes qui travaillent avec lui me connaissent, oui. J'ai également réalisé un collage de très grande taille sur canevas, pas encore exposé, mais qui fait partie du fonds d'œuvres du musée Pelé, ici à Santos.

"Il y a eu des collages de Pelé sur les murs de Paris ! Ce travail peut voyager tout seul."

 

Pourquoi ces collages sont-ils aussi populaires ?

J'ai lancé ce travail en 2010, mais je ne collais pas beaucoup à l'époque, j'enseignais à l'université. Pour la Coupe du monde 2014, j'ai décidé de retourner dans la rue en ressortant de vieilles impressions de l'atelier. J'ai fait un collage à São Paulo sur un très beau mur, dans un environnement vraiment sympa. Quelques semaines après, un journal national a publié une photo de l'œuvre, à l'occasion du début de la compétition. L'image est devenue virale sur les réseaux sociaux, des gens sont venus exprès sur place pour faire des photos de groupe et des selfies. C'est ainsi que le succès a commencé. Aujourd'hui certains imitent ce montage avec leurs propres détournements. Je n'ai pas de contrôle sur ce que les gens font de mes créations, mais je n'ai aucun problème avec ça : c'est ainsi que fonctionne le street art.

Il y a des endroits où vous rêveriez de coller ? Au Brésil ou ailleurs dans le monde ?

L'avantage avec les collages, c'est que je n'ai pas forcément besoin d'être là. Il y a des baisers de Pelé à Manaus ou Porto Alegre, des lieux où je n'ai jamais mis les pieds.J'aime qu'on voie mon travail, mais je n'ai pas de plan. Tout dépend à la fois de mes opportunités de voyage et des gens qui me contactent pour réaliser des collages. Il y a deux ans, un artiste français m'avait contacté sur Instagram. Il m'a envoyé ses œuvres, je lui ai envoyé les miennes, et il y a donc eu des collages de Pelé sur les murs de Paris ! Ce travail peut voyager tout seul.

 

 Les collages sont très majoritairement présents dans la rue, mais quelques pièces sont désormais présentes dans les musées. Outre une œuvre actuellement présente dans le musée Pelé de Santos, ce panneau où Pelé embrasse Marta, la légende du foot féminin brésilien, est pour sa part exposé sous les gradins du vieux stade Pacaembu, désormais reconverti en musée du football à São Paulo. Photo Rémi Belot.

 

Le club de Santos vous a-t-il déjà proposé de collaborer ?

J'ai essayé, il y a quelques années, de travailler avec eux. Je ne sais plus pourquoi, mais ça ne s'est jamais concrétisé. Je sais que le président de Santos possède une impression grand format de Pelé et Mona Lisa : quelqu'un la lui a offerte en cadeau, et il l'a mise dans son salon. Il n'y a rien d'officiel pour l'instant, mais je pense que ça viendra un jour.

Qui sera le prochain personnage de la série ?

J'ai assez peu créé pendant la pandémie. Et quand je suis retourné dans la rue, c'était plutôt pour des œuvres politiques. J'avais besoin de revenir à un sujet plus citoyen, plus engagé étant donné le contexte brésilien... Mais je vais recommencer à m'atteler à cette série, car ma dernière création date de 2019. J'ai des pistes qui sont prêtes à sortir de l'atelier. Je ne peux pas vous dire qui ce sera, je peux seulement dire que ce sera pour le Beco do Batman à São Paulo [une rue entièrement recouverte de murs peints, emblématique du mouvement artistique paulista]. Il y avait un baiser de Pelé il y a plusieurs années, mais tous les graffitis ont été recouverts il y a quelques mois, en signe de protestation contre les violences policières dans le quartier. J'ai évidemment soutenu cette action, mais l'allée a désormais rouvert. Ce sera bien d'avoir une nouveauté pour célébrer mon retour dans les lieux.

* * *

Bueno Caos, de son vrai nom Luis Bueno, est un street artiste qui travaille principalement à São Paulo et Santos, au Brésil. Formé au design graphique, il est titulaire d'un doctorat en art. Son travail est né de sa passion pour le graphisme sur ordinateur. Après avoir emménagé à São Paulo en 2004, il commence le street art par le biais du graffiti, et se tourne ensuite vers le pochoir. Une technique qu'il délaisse finalement pour le collage (lambe en portugais), dont il se fait un spécialiste, avec certaines pièces majeures de plusieurs mètres de haut.

 

Entretien extrait de Total Futbol, éd. Cahiers du football, 2022. Disponible ici.

 

Réactions

  • Richard N le 01/01/2023 à 15h48
    C'est une œuvre magnifique, qui renforce l'image de Pelé dans son "universalité". Quand il embrasse la Joconde ou Salvador Dali, Pelé ouvre le monde du football à celui de l'art (et réciproquement). Le livre de Rémi propose d'autres reportages sur les liens qui unissent, en Amérique du sud, le street-art au fútbol. Je le recommande à ceux qui ne l'ont pas encore feuilleté.

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