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Peut-on enculer l’Europe sans être homophobe?

En PLS pour avoir cité PNL, les communicants de Winamax peinent à défendre leur dernier tweet provocant. Et pour cause. 

Auteur : Gilles Juan le 18 Août 2020

 

 

Les community managers du site de paris sportifs Winamax ont repris à leur compte les paroles inaugurales de Celsius, une chanson de PNL ("On prend l'rap on l'encule à deux") dans un détournement qui fait polémique, alors qu’il se voulait à la gloire du football français.

 

En lieu et place des têtes des deux rappeurs, les logos du PSG et de l’OL accompagnent le tweet suivant: "On prend l’Europe on l’encule à deux".

 

Le PSG et l’OL n’étant pas frères, on peut au moins leur épargner le difficile (mais passionnant) problème moral du plébiscite des rapports incestueux (auquel les frères du groupe PNL ne semblent pas avoir songé consciemment).

 

Reste l’homophobie. Les attaques (dont celles des ministres déléguées à l’Égalité femmes-hommes, Élisabeth Moreno, et aux Sports, Roxana Maracineanu, appelant même à la censure du tweet) ne se sont pas fait attendre. Mais, ne peut-on pas rire de tout? Ne peut-on plus rien dire?

 

 

 


Enculer, ce problème

N’étant pas juge, ni avocat, ni procureur, je ne définirai pas ce qu’on a le droit de dire ou pas. Je me contenterai de demander: que veut-on dire? Veut-on utiliser le verbe "enculer" pour des succès sportifs? Emboîtée dans cette question, cette autre s'invite au débat: du moment qu’on détourne (explicitement, en plus) une référence, reconduit-on le tort de la référence? Ou bien s’en abstrait-on?

 

Commençons par l’homophobie de l’expression. Des petits malins essaient toujours de prétendre que c’est homophobe de prétendre qu’"enculer" est homophobe, au prétexte suivant: la sodomie étant "bien évidemment" une pratique légitime, il faudrait déjà la considérer comme problématique pour supposer que l’usage du mot est problématique. Si la sodomie ne posait pas problème, dire "enculer" ne poserait pas problème.

 

Cet argument est complètement con. Il est bel et bien question, chez PNL et Winamax, d’utiliser "enculer" comme une métaphore disant le triomphe sur l’adversité, une supériorité, une domination, et la métaphore sexuelle s’inscrit alors tout droit dans la longue tradition viriliste qui glorifie le pénétrant et méprise les personnes pénétrées – quel que soit le genre du corps pénétré, d’ailleurs [1].

 

PNL ne déclarait pas son amour aux autres rappeurs. De même, Winamax n’entendait pas décrire l’affection respectueuse entre les clubs français et ses adversaires.

 

Dire qu’on va enculer quelqu’un pour faire image, c’est relayer l’approche du viriarcat, sexiste et homophobe par voie de conséquence, en ceci qu’elle prête à la pénétration anale la faculté d’exprimer la victoire écrasante, faisant du sodomisé une victime par définition.

 


De la sodomie dans le football

Ce n’était certes pas là l’argument de défense de Winamax. La marque qui n’a, semble-t-il, pas communiqué en son nom: ce sont ses community managers, fort sympathiques et habiles, qui prennent cette peine.

 

Eux ne voient pas en quoi il faudrait automatiquement leur attribuer l’homophobie de l’expression, qu’ils pourraient à la rigueur reconnaître: le tweet détourne une référence culturelle pour faire rire, et voilà tout.

 

Reste que le signifiant "enculer", dans ce contexte, ne renvoie pas qu’au rap, où les limites de la liberté d’expression sont régulièrement questionnées, mais où la licence accordée aux artistes l’emporte généralement – ici, du fait d’un univers dont les codes sont, entre autres choses, l’insulte prise comme jeu de langage.

 

Le terme renvoie aussi au champ lexical des supporters de football: le tweet de Winamax évoque évidemment les débats qui ont concerné les chants de supporters, promettant la sodomie de l’arbitre ou du gardien adverse si celui-ci ne siffle pas ce qu’il faut, ou si celui-là tire son six-mètres.

 

Le football est encore un sport où il faut soi-disant "poser ses couilles sur le terrain" [1], le football est un sport où le gardien qui n’a pas pris de but a gardé sa cage "inviolée": je ne sais pas de quoi on peut rire ou pas, mais veut-on perpétuer cette tradition des métaphores sexistes?

 


L’humour, alibi fragile

On peut rire de tout, et rire des clichés homophobes est une façon de les combattre. Mais n’est pas Blanche Gardin qui veut. Lorsque celle-ci évoque la sodomie soudaine et douloureuse, non consentie, qu’elle a subie, elle rit et fait rire de s’être fait enculer, alors même qu’on peut parler d’un viol, que c’est grave.

 

Mais quelle est la différence? La différence, c’est qu’elle fait rire en faisant entrer le rieur en empathie avec la victime (elle-même), et non avec le coupable, le violeur.

 

Winamax fait le contraire: la communication appelle l’identification avec l’enculeur de clubs européens par les clubs français, provoquant (chez ceux qui rient) un rire gras, satisfait, joyeux de parler de ses victimes comme d’enculés – un rire viriliste.

 

L’humour gras n’est pas un crime, et il y a quelque chose d’un peu triste à voir toujours des appels à la censure, à la fois excessive et commode. Mais c’est vrai qu’on aime bien que l’humour sur les thèmes sensibles soit traité comme dans OSS 117, en provoquant chez le rieur une émotion dédoublée: on est amusé du cliché, on juge son auteur (et le cliché est alors combattu).

 

Là, le tweet de Winamax n’amène en rien à prendre une distance avec l’expression. Pourtant, le détournement sert souvent à cela: en changeant les choses de contexte, on amène à questionner la source.

 

Là, on le fait d’autant moins que le sens de la métaphore est copié-collé du rap, et qu’il est même renforcé, comme conforté, en se mêlant au vocabulaire usuel du football (enfin combattu, mais pas par Winamax).

 


Des failles dans la culture

Winamax – car il faut enfin en venir au dernier problème – a peut-être moins envie de questionner que de flatter un certain rapport au foot (viriliste) et à l’humour ("décomplexé").

 

Pour atteindre sa cible de parieurs, Winamax semble systématiquement mobiliser, avec un cynisme assumé, des références culturelles qui ont à la fois un pied dans les milieux populaires et un autre dans les milieux plus dominants.

 

À l’insu des communicants de Winamax sans doute, les choses font système. PNL, c’est un peu comme le graffiti de leurs campagnes de com, et c’est un peu comme le foot, finalement. Des cultures en lutte avec les jugements condescendants de certaines élites, des cultures populaires qui ont leur génie propre.

 

Mais ces cultures ont aussi leurs failles, comme l’inscription plus ou moins assumée dans le virilisme, ou l'apologie de la réussite financière. Winamax semble faire volontiers son beurre de ces failles.

 


[1] Aujourd’hui encore, les univers carcéraux les plus violents, extrêmement virilistes et homophobes, glorifient la pénétration du codétenu par le plus dominant.
[2] "Testicules" et "attester" ont la même étymologie, les couilles sont la preuve naturelle du courage. L’expression est désormais réduite à un usage métaphorique, mais elle suggère toujours une vertu genrée, une valeur viriliste.


 

 

Réactions

  • Gilles Juan le 22/08/2020 à 07h46
    lemon
    18/08/2020 à 18h25
    ____________

    Je pense que tu as écrit sous le coup de la colère, je ne m'explique pas autrement ton refus de réfléchir aux sens des métaphores, de se questionner sur ce qui les fait fonctionner, d'y accorder de l'importance notamment quand on parle d'une communication publique, commerciale, voulant flatter une cible.

    Je m'explique mal le fait que tu considères toutes toutes les métaphores que tu listes comme équivalentes : tu fais comme si les métaphores n'étaient rien d'autre que des manière de dire, et puis voilà ; continuons de parler de "travail d'Arabe", alors, de "pédale" pour désigner les homos. Car ce sont des mots, de l'humour, chacun fait ensuite la part des choses... Obama avait-il eu tort ou raison de s'excuser après avoir déclaré publiquement, pour parler de son piètre niveau au bowling, qu'il "jouait comme un handicapé"?

    Je pense, pour ma part, qu'il faut s'interroger sur les métaphores, comme sur les étymologies, les proverbes, surtout quand ça n'a l'air de rien, surtout quand c'est la manière spontanée de dire, surtout quand l'emploi est innocent, surtout dans certains contextes.

    Concernant le sujet précis de l'article, j'ai presque envie de me contenter de cette question: pourquoi dit-on "enculer l'Europe" et pas "sucer l'Europe", quand on veut partir à sa conquête?

    La seule et unique chose qui fait fonctionner "enculer" comme métaphore de la victoire écrasante, c'est le viriarcat, tel qu'il a interprété les rapport pénétrant/pénétré. Est-ce qu'on a envie de s'inscrire dans cette tradition, dès lors qu'elle est maintenant décrite et que sa violence est documentée, dès lors qu'elle continue (et c'est ça le problème) à avoir des effets directement néfastes, que les catégories classées dans les pénétrées continues d'être discriminées pour cette seule raison, notamment dans le contexte concerné? Est-ce qu'on a envie d'employer, sans faire gaffe, un symptôme de cette tradition, en communiquant publiquement dans un milieu sexiste et homophobe? Ou bien est-ce que ce n'est "pas grave", que plus personne ne pense à mal s'il écrit publiquement "on va les enculer, le Bayern"?

    Chacun fait comme il veut, et sincèrement, je regrette les appels à la censure du tweet, qui donnent bonne conscience aux indignés (et je te remercie de ta définition du mot, qui permettra à chacun de constater que je ne le suis pas, sauf à assimiler "critiquer" et "s'indigner", ce qui me parait aussi superficiel que d'assimiler "tentative de pédagogie" et "éducation bourgeoise"), indignés qui, eux, se dispensent d'argumenter, évidemment. Les censures sont toujours paternalistes et contre productives, en plus.

  • Gilles Juan le 22/08/2020 à 08h32
    Hello,

    Je pense que ce n'est pas la même chose de parler des insultes et des métaphores, comme je pense que ce n'est pas la même chose de parler des mots qui nous sortent spontanément, et d'un slogan de com', comme je pense que ce n'est pas pareil d'employer des expressions, ou blagues, ou références, en situation (pour le dire schématiquement) de dominant ou en situation de dominé (par exemple, pour changer de contexte, si des artistes qui se sentent exclus du monde de l'art se réclament ironiquement d'un "art dégénéré", ce n'est pas la même chose que si le Ministère de la culture les compare à de l'art dégénéré pour justifier le refus d'une subvention).

    OK pour l'esprit de compétition nécessairement associé au sport, mais je ne suis pas d'accord avec "peu importe le langage fleuri autour" ; je constate que comme par hasard, dans les milieux virilistes, on continue d'affectionner des métaphores virilistes, voilà tout.
    De même, je pourrais écrire un article sur le ahou des Lyonnais - ce serait davantage sur le ton d'un troll, mais quand même - pour me questionner sur la valeur que le film 300 a pu prendre aux yeux des supporters, comme par hasard de Lyon...

    Et en effet, je préférerais qu'un journaliste (ton exemple est très bon) choisisse "laisser ses tripes" que "poser ses couilles".

    Sans doute le viriarcat et la compétition ont-ils des liens, je pense pourtant qu'on peut garder la compétition et choisir ses métaphores. Ce ne sont peut-être pas des grands progrès pour la cause féministe, mais ma foi, on est responsable de ce qu'on publie, on a le choix entre plein d'expressions, et à partir du moment où on comprend la raison d'être d'une métaphore, eh bien on peut en choisir d'autres (par exemple, est-ce qu'on dira, si on est commentateur de match, qu'un joueur qui n'ose pas tirer un penalty qu'il est "une vraie gonzesse" ? Ou, changement de contexte mais même statut de "détail qui ne change pas grand chose", est-ce qu'on veut traduire clickbait par pute-à-clic ou incitaclic ?)

    C'est exactement parce que je pense comme toi que chacun fait la part des choses que je suis contre la censure ; on doit avoir le droit de penser autrement, de penser, par exemple, que c'est justement en employant "enculer" pour dire "défoncer" pour dire "écraser" qu'on finira par dire enculer comme on dt "con", c'est-à-dire sans penser du tout au référent initial (même si je n'y crois pas, car "con" n'est plus utilisé autrement que comme insulte), ou même on doit pouvoir s'en foutre, et arrêter de penser que les idées infusent à ce point dans le langage et sont relayées par lui, penser que les mots restent des mots, et qu'employer enculer l'arbitre n'est en rien un symptôme de virilisme réel.
    Mais je n'ai pas compris en quoi, si je m'interrogeais sur la pertinence d'une métaphore en milieu hostile aux sources de la métaphore, je m'indignais !

    Eh merde, je m'indigne si on me dit que je m'indigne :/

  • lemon le 22/08/2020 à 18h02
    Hey,

    Je sens bien que c'est ma référence à l'indignation qui te chagrine, alors je la retire bien volontiers.

    Je ne conteste pas que "je t'encule" vient du virilisme et renvoie à la domination sexuelle. Ca veut dire littéralement "je te domine avec mon saint chibre". Ce que je conteste c'est toute l'analyse que tu fais autour, sur ses implications et sur ses éventuelles conséquences.

    Quand tu écris : "Dire qu’on va enculer quelqu’un pour faire image, c’est relayer l’approche du viriarcat, sexiste et homophobe par voie de conséquence, en ceci qu’elle prête à la pénétration anale la faculté d’exprimer la victoire écrasante, faisant du sodomisé une victime par définition"

    Si on doit rester dans l'analytique, la sodomie dont il est question ici, c'est le viol, pas la pénétration anale librement consentie. Ça fait écho à ta note de bas de page sur l'univers carcéral, où sodomiser ton co-détenu n'est pas un acte homosexuel mais un acte de domination (pirouette que seule une forte dissonance cognitive permet). On est dans le registre du viol comme arme de guerre. Et justement, le registre de la guerre dans le foot, il est ... partout ; dans le contre assassin, dans le but qui tue le match, dans la crucifixion du gardien, dans le siège de la surface de réparation, dans la perforation des défenses, ...

    Du coup, là où je t'interroge moi, c'est pourquoi le registre guerrier ne semble pas poser spécifiquement de soucis, dans le sens où tout le monde ferait la part des choses ... sauf dans sa dimension sexuelle. Je vais faire un lien tordu mais on trouve ce même distinguo dans les jeux vidéos, où la possibilité de violer un adversaire serait un absolu scandale, mais où enchaîner les headshots, les exécutions discrètes et les égorgements est tout à fait encouragé. Et tous ceux qui ont tenté de faire un lien, un continuum, entre violences des JV et violences réelles se sont fait renvoyer à leurs chères études, alors que le continuum entre les violences sexuelles "virtuelles" (au sens d'imagées, langagières etc.) serait établi.

    Quand tu t'interroges de façon rhétorique sur pourquoi on dit pas "sucer l'Europe", ça procède de la même logique. On n'a pas eu vent de grandes épopées militaires où les vainqueurs ont taillé une petite pipe aux survivants adverses pour bien asseoir leur domination (alors qu'en terme d'efficacité militaire, ça pourrait se discuter afin de convaincre qu'une reddition serait plus intéressant qu'une résistance). Mais ça n'a rien à voir avec la fellation librement consentie où - et tous ceux qui ont eu la joie de l'expérimenter le confirmeront - le dominant n'est pas celui qui ânonne dans un murmure suppliant "oh steplé t'arrêtes pas, steplé, steplé, steplé." Le dominant dans le cas présent c'est bien la personne qui tient tes bourses dans ses mimines et a ses dents à une distance millimétrée d'une vive douleur et dont le libre arbitre va décider de t'envoyer au nirvana ou te laisser comme un con.

    Là où je veux en venir, c'est que ta réflexion - qui s'inscrit dans l'époque très centrée sur le langage et sur la sexualité et sur les rapports de domination et de pouvoir - pour moi ne questionne pas du tout ce que tu appelles le viriarcat. Elle questionne uniquement le champ lexical du sexuel et, in fine, cherche à fixer ce qui se dit / ne se dit pas (ce qui le rapproche d'une approche très bourgeoise), avec une croyance forte que la maîtrise de la forme (le langage) aura un impact sur le fond (les violences sexuelles, le sexisme, l'homophobie ...).

    Bon, ça c'est une discussion pour le fil sociologie, parce que, vous l'aurez aisément compris, je n'adhère pas du tout à cette croyance dans le pouvoir du langage sur le réel.

  • Balthazar le 25/08/2020 à 00h28
    lemon
    22/08/2020 à 18h02

    Je vais faire un lien tordu mais on trouve ce même distinguo dans les jeux vidéos, où la possibilité de violer un adversaire serait un absolu scandale, mais où enchaîner les headshots, les exécutions discrètes et les égorgements est tout à fait encouragé.
    ---
    Ton lien est peut-être tordu, mais ton observation est très troublante.

La revue des Cahiers du football