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Réalisation télé : des matches à la tronçonneuse

À force de faire leur cinéma, les réalisateurs en oublient de montrer le football, notamment en escamotant les reprises de jeu. Étude de cas sur ASSE-SRFC. 

Auteur : Jérôme Latta le 28 Sept 2020

 

 

Le mal n'est pas nouveau, et nous l'avons souvent examiné ici: la réalisation télévisuelle des matches de football saucissonne les rencontres, parasite le jeu et empiète toujours plus sur le football.

 

À coups de ralentis, de plans de coupe, de gros plans, d'effets et d'autres gadgets visuels, les réalisateurs font leur propre show, un spectacle de plus en plus dérivé du jeu.

 

Cette évolution, engagée par des réalisateurs français qui ont fait école, s'accentue à mesure que les technologies offrent de nouveaux moyens de faire (littéralement) diversion et d'affecter la compréhension du jeu par les téléspectateurs.

 


Reprises surprises

Signe de cette fuite en avant, les démiurges de la régie ne craignent plus de nous faire rater des moments de plus en plus longs durant lesquels le ballon est pourtant en jeu.

 

Devant le sentiment que le mal allait croissant, nous avons compté le nombre de reprises de jeu ratées durant la seule première mi-temps de Saint-Étienne-Rennes, dimanche 27 septembre, réalisé par Mohamed Hassani.

 

À 31 reprises, le téléspectateur de La Chaîne Téléfoot a dû chercher sur son écran où se trouvait le ballon, que le plan précédent (avant "interruption") avait laissé à un tout autre endroit.

 

Parfois, il est encore possible de deviner ce qui s'est passé entre-temps. Souvent, on ne peut pas reconstituer la phase manquante. À chaque fois, le réalisateur a jugé plus intéressant de passer des plans rapprochés sur les joueurs (45) ou des ralentis (20) plutôt que la vie du jeu.

 

Il ne se passe jamais plus de quatre minutes entre deux "ratages". À raison d'un toutes les minutes et demie en moyenne, on a le sentiment que le réalisateur a compulsivement, et à tout prix, besoin de rompre la continuité du plan de base – le plan large.

 

Dans une majorité de cas, le jeu est arrêté au moment où il change de plan, et c'est en abusant des plans de coupe ou des ralentis qu'il sacrifie la reprise du jeu. Mais il se permet aussi des interruptions alors que le jeu se déroule, pour des durées allant jusqu'à quatre ou cinq secondes.

 


Quatre échantillons d'escamotages

Sur les montages ci-dessous, nous montrons :
- la dernière image de jeu avant les coupes ;
- les coupes (ralentis, plans serrés) ;
- la première image de retour au jeu.

 


Autant commencer fort. En six secondes, le réalisateur a eu le temps de montrer deux plans de coupe et un ralenti de la faute, mais a raté l'exécution du coup franc.

 


Une action stéphanoise s'achève sur une tête non cadrée. On voit deux plans sur les joueurs puis quatre ralentis et, 33 secondes plus tard, on retrouve le ballon à l'autre bout du terrain.

 


Un tacle stéphanois n'est pas sanctionné par l'arbitre et le jeu se poursuit, on voit Camavinga intervenir. Gros plans sur Terrier puis Camavinga, deux ralentis. Le ballon est passé dans les pieds des Verts 18 secondes plus tard. Ont-ils effectué une touche? 

 


Salin a le ballon dans les gants et s'apprête à relancer. 26 secondes et trois ralentis plus tard, le ballon est de nouveau stéphanois, on ne saura jamais comment.

 


Si l'exécution des coups francs et corners est presque toujours épargnée, les touches, les coups de pied de but et les relances des gardiens subissent de lourdes pertes. C'est tellement systématique qu'une conclusion s'impose: le réalisateur juge que ces instants ne sont pas intéressants.

 

C'est d'autant plus dommageable, pour les coups de pied de but (notamment en raison de la nouvelle règle) et les relances des gardiens, que ce moment du jeu est devenu de plus en plus crucial sur le plan tactique, déterminant la construction des actions.

 


Cachez ce ballon que je ne saurais voir

Il arrive ainsi que l'on se retrouve subitement devant une action de but très avancée. Les buts complètement ratés – faute cardinale – sont rares, mais à jouer ainsi avec le feu de l'action, on s'expose à la catastrophe.

 

Pour un tableau de bord plus global, on a compté, sur l'ensemble du match cette fois:
- 109 ralentis ;
- 397 gros plans et plans serrés (joueurs, entraîneurs, arbitres, dirigeants) ;
- 154 plans resserrés sur des joueurs portant le ballon.

 

Sur tous ces items, Mohamed Hassani se situe dans les (très hautes) eaux de ses pairs François Lanaud et Jean-Jacques Amsellem, selon les relevés de Jacques Blociszewski effectués lors de la Coupe du monde 2014.

 

 

 

 

Les plans resserrés sur des joueurs portant le ballon, qui font depuis longtemps partie de la grammaire élémentaire des réalisateurs, ont pour défaut d'atomiser le jeu, d'altérer la vision d'ensemble et la compréhension des actions: quand on ne voit que le joueur, on ne voit plus ce qu'il voit…

 

 

 

Cela complique évidemment la vie de ceux qui veulent avoir une lecture tactique du jeu, déjà sevrés de plans larges. En ajoutant les autres types de plans (différents plans larges notamment), les yeux du téléspectateur de ASSE-SRFC auront donc subi environ 700 changements de plan, soit un toutes les huit secondes.

 

Pour "animer" la retransmission (ce qui se comprend, dans le principe), on tend donc à altérer la vision du jeu à proportion des interventions du réalisateur. Or celles-ci, en augmentant, deviennent tellement intrusives qu'elles composent un spectacle dans le spectacle dont on peine à distinguer l'intérêt.

 


 

Réactions

  • Jamel Attal le 29/09/2020 à 18h20
    @Bof
    Pas sûr que ce soit lié à la chaîne : ce réalisateur a auparavant bossé pour RMC et Eurosport, il est connu comme un maniaque du ralenti. Le problème est plutôt que les réals ne sont quasiment pas encadrés (ou recadrés) par les directions des chaînes. Forts de leur réputation, il se prennent un peu pour Spielberg et font ce qu'ils veulent.

    Quant à ces évolutions, elles sont anciennes, elles s'accentuent simplement – notamment au travers de ces ratés des reprises de jeu, que j'ai constatés dans d'autres compétitions récemment (Ligue des champions, matches de sélections).

  • Raspou le 30/09/2020 à 00h31
    Ah oui, ça m'avait frappé pendant Reims - PSG, j'avais trouvé ça encore pire que d'habitude... Même la percée de Neymar ils avaient réussi à la saccager:
    lien

  • osvaldo piazzolla le 30/09/2020 à 10h41
    Il y a un autre aspect en phase avec la réalisation télévisuelle du match qui est de pire en pire : l'héroïsation.

    Dans [cette excellente publication]( lien), l'excellent auteur écrivait :

    "Ce réalisme de télévision est cohérent avec une représentation héroïque du foot. La surreprésentation des célébrations des joueurs amplifie l’impression que le foot est un duel de stars, au détriment du jeu d’équipe tactique, qui nécessiterait des plans télévisuels plus larges et moins de gros plans intempestifs. Dans FIFA, les vedettes du football réel sont essentielles au jeu et leurs avatars sont les héros auxquels le joueur (et le téléspectateur) s’identifient. Dans cette logique, la simulation du jeu dépend en grande partie des caractéristiques individuelles des héros de football modélisés, plus que de l’esprit d’équipe collectif, largement négligé."

    Mais au delà de l'autopromo, je trouve que le passage le plus important de Jamel est celui ci :

    "C'est d'autant plus dommageable, pour les coups de pied de but (notamment en raison de la nouvelle règle) et les relances des gardiens, que ce moment du jeu est devenu de plus en plus crucial sur le plan tactique, déterminant la construction des actions."

    Le jeu a changé, les six mètres qui étaient chiants sont devenus hyper intéressants, et ce changement est à l'opposé de comment la télé voit le foot. Récemment sont apparus les matches sans commentateurs. A quand les matches sans réalisateurs? Je suis sûr qu'il y aun créneau.

  • Bernard Diogène le 30/09/2020 à 13h41
    Bon ben est tous d'accord : c'est insupportable.
    On est bien mieux en tribune, même par -10°C et à 100 mètres du but d'en face. Pas de commentaires à la noix, pas de stats en direct, pas de zoom sur un lacet défait. En somme, pas d'"expérience immersive téléspectateur". C'est tellement dommage ;-)

  • Sens de la dérision le 30/09/2020 à 13h47
    En tribune, à 100m du but adverse, t'es quand même plus dans une "immersive ultra experience" que dans l'analyse correcte du football : t'as des jeunes qui chantent (brrr), qui sautent (brrr)... Le mieux c'est encore dans les tribunes, si possible dans les travées hautes, au niveau du milieu du terrain.

  • Bernard Diogène le 30/09/2020 à 19h53
    En effet, même si je pense que chaque position dans les tribunes apporte une vision et des enseignements complémentaires (j'ai à peu près tout testé et dans des stades de divers tailles).
    Sinon, même si je forçais le trait en parlant de "100 mètres du but adverse", j'ai assisté à bien des matches en étant pépère derrière le but et sans ultras à proximité (ça dépend des stades) et la principale différence avec la vision centrale, c'est surtout l'émotion procurée (ouaaaaiss ou oooohh) qui est plus forte. Je concède toutefois que, derrière les buts, la vue un peu écrasée peut altérer l'appréciation des distances mais pas celle des rapports de force collectifs et de l'organisation spatiale.

  • Jankulovic Hasek le 30/09/2020 à 21h30
    Le but de Pavard contre l'Argentine à la CM 2018, il y en a qui l'ont vu venir ?
    Je me souviens d'avoir regardé le match avec un pote qui disait " Y a quelqu'un ?" sur le centre d'Hernandez.
    On ne savait pas qui allait être à la retombée du ballon, ni si on allait avoir une frappe française ou une contre attaque argentine.
    Ok, c'était un changement d'aile mais la réalisation n'avait pas jugé utile de passer en plan large.

  • Tonton Danijel le 30/09/2020 à 22h49
    Jankulovic Hasek
    aujourd'hui à 21h30

    Certains l'ont comparé au but de Carlos Alberto en finale de coupe du monde 1970. Même action, avec le latéral hors champ qui apparaît au dernier moment.

    Pour le coup, c'est pas vraiment un reproche à faire au réalisateur, plus au fait que le destinataire du centre est trop loin du passeur au moment où la passe est enclenchée pour avoir les deux dans le champ.

  • theviking le 01/10/2020 à 09h01
    Et justement, je trouve que ça ajoutait de la magie au but, ce suspense de : y a-t-il qqn à la réception, et là tu vois débouler Pavard et sa reprise irréelle.
    L'attente, puis l’immédiateté de la frappe , puis de nouveau l'attente pour voir si cette phrase "accroche bien le cadre", un grand moment de télé et foot.

  • dugamaniac le 01/10/2020 à 12h32
    Une différence majeure, au stade tu peux regarder ce que tu veux.
    Pas ce qu'on te montre qui est finalement une réalité un peu subjective.

    Au stade tu peux t'énerver sur cet attaquant qui marche et ne se replie pas qui est loin du jeu et donc souvent de la caméra.
    Tu peux voir si les joueurs communiquent ou pas quand le jeu est loin d'eux.

    Plein plein de choses qui rendent forcément n'importe quel match plus intéressant au stade qu'à la télé pour moi.
    D'autant plus que ceux qui se passent à la télé tu pourras le voir après, alors que ce que t'as vu au stade hors champ de camera, le mec devant sa télé ne le verra jamais lui.

La revue des Cahiers du football