« Guy Roux joue un double jeu »
Interview exclusive : Olivier Jouanneaux - L'agent de Philippe Mexès s'étonne du traitement réservé à l'affaire par certains médias et met en cause l'influence de Guy Roux, entraîneur omniprésent, mais pas omnipotent, de l'AJA…
Dans le monde des agents de joueurs, Olivier Jouanneaux passerait presque pour un candide tant il a gardé un certaine capacité d'étonnement vis-à-vis du football professionnel et de sa propre profession, dont il observe les pratiques depuis Quimper avec un mélange d'ironie et de perplexité. En 1998, alors qu'il est encore en école de commerce, cet ancien responsable d'un fan-club de Roberto Baggio entre en contact avec Philippe Mexès, alors au centre de formation de Toulouse. Il gagne la confiance du joueur, encore mineur, et de sa famille. Après une maîtrise effectuée à Florence où il rencontre des agents italiens puis une mission dans une association d'assistance aux personnes démunies (une tâche fort éloignée de son métier actuel, mais dont il assure avoir tiré des enseignements précieux), il épouse la profession d'agent de joueurs.
En charge depuis plusieurs années des intérêts de Philippe Mexès et de Mathieu Berson, il s'est retrouvé au centre de l'affaire du transfert du défenseur auxerrois vers la Roma. Indéniablement atypique, il évite toutefois la posture du chevalier blanc et ne se cache pas de défendre avant tout les intérêts de son joueur: et pour entortiller à deux reprises (avec Jean-Louis Dupont, l'ancien avocat de Jean-Marc Bosman), les roués dirigeants auxerrois, il fallait bien quelque malice. Pour l'heure, il s'indigne surtout des campagnes médiatiques de Guy roux et de la complaisance avec laquelle elles sont accueillies…
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Indépendamment de "l’affaire" elle-même, vous regrettez la manière dont de nombreux médias la couvrent ?
Tout ce que déclare Guy Roux, pour beaucoup de journalistes, est parole d’évangile. Même quand il met en cause Philippe, maître Dupont [avocat du joueur NDLR] ou moi-même, personne ne vient vers nous pour avoir notre version. Par exemple, quand il intervient sur Europe 1, il parle du litige qui oppose Auxerre à Philippe, tout en étant rémunéré pour ses interventions. Il est consultant, mais sa « consultation » porte sur une affaire qui le concerne directement, c’est assez particulier ! Il n’a pas de contradicteur. Personne d’Europe 1 ne m’a appelé pour avoir mon point de vue.
Vous avez le sentiment de ne pas avoir droit à la parole ?
L’an dernier, au moment du litige sur la prolongation du contrat de Philippe, dans l’émission du lundi présentée alors par Pierre-Louis Basse, je m’étais fait allumer d’une manière assez incroyable, alors que ces gens-là ne m’ont jamais rencontré. C’est-à-dire qu’ils forgent leur opinion sur ce qu’ils peuvent lire ou sur ce qu’on leur dit de penser. J’ai envoyé une lettre recommandée à Éric Bilderman, parce que c’était lui qui me mettait le plus en cause. Il m’avait ensuite appelé pour s’excuser en disant que cela faisait partie du spectacle, que c’était le principe d’une conversation de café du commerce.
On peut tout de même tourner le monde du football en dérision…
Oui, mais quand il s’agit d’accusations, il n’est plus question de faire du spectacle. Dans l’article de France Football [paru vendredi 27 août], nous sommes encore une fois gravement mis en cause. Philippe y est qualifié de scélérat par Guy Roux, mais aucun journaliste de France Football ne nous a contactés, ni pour nous informer de cette parution, ni pour avoir notre sentiment. C’est toujours à charge. Ce qui est assez affligeant, c’est qu’on essaie de faire passer Auxerre pour le « petit club », et Philippe pour le grand méchant loup. En réalité, les journalistes vont toujours du côté du plus fort, donc toujours dans le même sens.
Cela tient au statut de Guy Roux?
Au moment de la reprise à Auxerre, je me souviens avoir vu, sur L'Équipe TV, Guy Roux se tenant sur la pelouse, avec tous les journalistes assis sur un banc devant lui. Je crois que ça résume parfaitement la position de Guy Roux vis-à-vis des journalistes, et réciproquement.
Cette position empêche certains journalistes de jouer leur rôle?
L’an dernier sur Europe 1, Christian Jeanpierre avait fait quelques réflexions sur Philippe en disant qu’il devrait faire un peu dégonfler sa tête. J’avais eu l’occasion de l’appeler pour lui demander ce qu’il voulait dire… C’était à l’époque du procès de la Juventus, et je lui ai demandé si ce n’était pas plus important de parler de ce qui se passait à Turin. Il m’a alors demandé si j’avais des preuves de ce que j’affirmais. C’était complètement surréaliste. Il y a deux ou trois semaines, lors de Téléfoot, lorsque Christian Jeanpierre a annoncé une "mise au point sur le cas Mexès", Guy Roux a parlé, mais ni Philippe, ni moi n'avons été invités à nous exprimer. Jeanpierre est le parrain de la cuvée 2002 du Chablis avec Guy Roux. Il commente les matches avec Guy Roux. Et il interviewe Guy Roux tous les lundis sur Europe 1…
Tout de même, à côté des médias qui ne reproduisent pas beaucoup votre point de vue…
(il coupe) Ils ne nous le demandent même pas, alors ils ne peuvent pas le reproduire. Je me suis rendu compte que nous n’avions la possibilité de nous exprimer qu’avec l’AFP. En Italie, on peut parler tous les jours, mais ce n’est pas le but recherché : on ne va pas à chaque fois répliquer à Guy Roux.
… on a quand même le sentiment que les comptes-rendus de L’Equipe, par exemple, sont assez équilibrés.
C’est vrai, du côté de L’Équipe, il n’y a pas de problème.
Subissez-vous des pressions de la part des instances?
Non, il n'y a pas eu de pression. La seule pression, c’est ce silence-là. L’an dernier, par exemple, quand il y a eu un litige par rapport à la prolongation du contrat de Philippe et que pratiquement l’intégralité des membres de la Commission juridique se sont officiellement plaints auprès de Frédéric Thiriez des pressions subies de la part des dirigeants de l’AJ Auxerre, ça n’a pas fait deux lignes dans les journaux.
Comment Guy Roux est-il intervenu dans le conflit avec Mexès?
L’an dernier, quand il y a eu la prolongation du contrat de Philippe, toute la négociation a eu lieu avec Gérard Bourgoin et c’est ensuite Jean-Claude Hamel qui a signé le contrat. Guy Roux n’est pas intervenu. Cette année, quand il y a eu des négociations entre l’AS Roma et l’AJ Auxerre, cela s’est passé uniquement entre Franco Baldini [directeur sportif de l’AS Roma NDLR], Jean-Claude Hamel et Gérard Bourgoin. On voit Guy Roux partout, mais il n’a rien à voir avec ça. Dans le mémoire d’Auxerre adressé à la Chambre de règlement des litiges de la FIFA, l'AJA ne dit à aucun moment, comme Guy Roux actuellement, "il faut que le joueur revienne, on compte beaucoup sur lui, etc.", L’AJ Auxerre demande de l’argent. Toute cette histoire-là, c’est une question d’argent.
Guy Roux a-t-il continué à avoir des contacts avec Philippe Mexès?
Ces derniers mois, Guy Roux nous a expliqué plusieurs fois, à Philippe et à moi-même, qu'il allait subir le même sort que Dugarry, c’est-à-dire qu’il se ferait siffler partout quand il reviendrait en France. Je ne sais pas si c’était une manœuvre, mais c’est sa façon de faire de toute façon. Guy Roux joue tout le temps un double jeu. Par exemple, dernièrement, il explique dans la matinée aux médias qu’il attend Philippe à l’AJA, qu’il a sa place qui l'attend dans les vestiaires, et dans l’après-midi, il va voir les parents de Philippe chez eux, sans les prévenir, pour leur dire "Il faut que Philippe revienne de Rome, on va le faire aller à Chelsea ou au Real Madrid, ce sera bien mieux pour lui".
Quel est le rôle de Guy Roux à Auxerre ? Il ne participe pas aux négociations, mais il intervient dans les médias, auprès des joueurs ou de leurs parents…
C’est l’entraîneur, ça c’est un fait. Au-delà, c’est difficile à dire. Il est venu peut-être trois fois chez les parents de Philippe en quatre ans et il est revenu deux fois en une semaine, il y a peu de temps, pour leur mettre la pression parce qu’il sentait qu’il n’avait pas de prise sur Philippe, ni sur moi. Donc, le seul moyen, c’était de les inquiéter avec les sanctions, avec le fait qu’il pourrait ne plus être sélectionné en équipe de France à cause de ce qu’il a fait. Ce sont des menaces voilées.
Il défend sa cause…
Il prend les comparaisons qui l'arrangent. Il explique par exemple que Philippe est venu à la Roma pour remplacer Samuel qui a été transféré au Real pour 25 millions d’euros. Donc 18 millions d’euros [montant demandé par l'AJA NDLR], ce n’est pas cher, c’est cadeau. Mais si l'on suit le même raisonnement, Djibril Cissé a quitté Auxerre pour 20 millions d’euros et Auxerre prend Luigi Pieroni pour 1,5 million... Ce qui est énervant, c’est qu’il peut dire n’importe quoi, il n’y a personne pour le contredire. C’est ça qui est fatigant. Certains journalistes n’ont même pas la curiosité de poser des questions. Je ne parle même pas de déontologie, je parle simplement de curiosité.
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