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1XBet, le bookmaker illégal qui joue quand même sur les pelouses françaises

Enquête - 1XBet, plateforme de jeu illégale mais sponsor du PSG, du LOSC ou du Barça, propose des matches amateurs et de jeunes au nez et à la barbe de la FFF. 

Auteur : Philippe Auclair le 16 Oct 2023

 

Journaliste, écrivain et musicien, Philippe Auclair a été correspondant de plusieurs médias français à Londres, et collabore avec de nombreux médias anglais, dont The Guardian. Chroniqueur pour Eurosport, cofondateur la revue The Blizzard, il anime aussi le site d'investigation Josimar, sur lequel il publie notamment des enquêtes sur le marché des paris sportifs.

* * *

Le milieu de terrain de Rousset Sainte-Victoire, Gaëtan Théréau, a rendu un signalé service à son équipe en égalisant à la 66e minute de son match à domicile face à Lucciana le week-end dernier. Le point sauvé ce 7 octobre permettait au club de National 3 de ne pas tomber dans la zone de relégation.

Ce que Théréau ignorait, et doit encore ignorer, est qu'il avait aussi rendu un signalé service aux parieurs qui avaient coché le N sur leur bulletin, voire prédit un score final de 1-1.

Car parier sur l'issue de Rousset Sainte-Victoire-Lucciana était possible, tout comme il était possible de parier sur tous les autres matches de National 2 et de National 3 disputés ce samedi, à une condition : savoir où se rendre pour se connecter aux plateformes illégales qui ignorent les réglementations de mise sur le territoire français, où parier sur le football amateur est hors-la-loi.

L'Agence nationale des jeux (ANJ) tâche bien de leur faire la guerre, mais sur quel terrain combattre cet ennemi virtuel qui ne cesse de changer d'adresse et de nom ?

 

Visuel issu du site officiel du PSG.
Visuel issu du site officiel du PSG.

 

Visualisation et pari en direct

Le plus visible de ces opérateurs illégaux - autant appeler un chat un chat - est 1XBet, partenaire officiel du FC Barcelone, du PSG, du LOSC, de la Serie A, de la CAF et de quelques autres. Comment un bookmaker qui ne possède pas de licence en France - et y est même interdit de séjour, comme en Angleterre ou en Roumanie - peut-il associer son nom à d'aussi grands noms du football, et même à une confédération, est une autre question, sur laquelle on reviendra.

Concentrons-nous plutôt sur ce qu'offrait 1XBet dans ce cas précis. Armé d'un VPN, je me suis rendu sur l'un des sites miroirs de cet opérateur en Asie (où il est tout aussi illégal), pour me rendre compte que ce qui était proposé n'était pas seulement le bien connu 1-N-2, le score final ou le nom des possibles buteurs. Je pouvais aussi parier sur le nombre de corners et de cartons jaunes. Je pouvais surtout parier "in play" (en direct).

Et pour m'y aider, je pouvais suivre le déroulement de la rencontre en temps réel sur une visualisation animée et constamment mise à jour, comme le montre cette capture d'écran, effectuée alors que Rousset Sainte-Victoire était en possession du ballon.

 

 

La rencontre, doit-il être précisé, n'était pas télévisée. Les bookmakers ne se servent d'ailleurs plus d'images diffusées en ligne ou sur les réseaux hertziens pour faire évoluer leurs cotes au fil du match, et depuis longtemps. Le décalage de plusieurs secondes entre ce qui se passe sur la pelouse et ce qui en est montré sur les écrans suffit en effet à donner un avantage décisif aux parieurs qui se trouveraient au stade.

Les opérateurs de paris en ligne doivent donc pouvoir s'appuyer sur la transmission immédiate des données des matches qu'ils proposent à leurs clients, sous peine de risquer des pertes considérables. Que faire, alors, quand on veut non seulement offrir les grosses affiches de L1 ou de L2, mais aussi le tout-venant des divisions inférieures, le National 3 compris ?

Envoyer ses propres data scouts sur autant de terrains - des milliers, puisque ce qui se passe en France se passe aussi partout ailleurs en Europe - serait par trop coûteux. Les bookmakers, légaux ou pas, se reposent alors sur les données que leur vendent les compagnies spécialisées dans leur collecte : SportRadar, Genius, StafPerform, IMG et quelques autres. En football comme ailleurs, les data sont bien "le pétrole du XXIe siècle".

Le double jeu des prestataires de données

Ces compagnies sont souvent présentées comme des partenaires indispensables dans la lutte contre la manipulation des matches. Elles suivent en effet l'évolution des cotes sur les marchés des paris sportifs afin d'identifier des mouvements suspects qui suggèrent que telle ou telle rencontre pourrait être truquée.

La FFF, par exemple, a un accord de prestation de service depuis 2013 avec l'un des géants de cette industrie, SportRadar, qu'elle rémunère pour son monitoring des matches de National, le même SportRadar s'acquittant d'une tâche identique pour la Coupe de France (à partir des 32e de finale) dans le cadre d'un autre accord, avec l'UEFA celui-là.

L'envers de la médaille est que ces compagnies censées garantir l'intégrité sportive sont aussi celles qui donnent ou, plutôt, vendent aux opérateurs de paris sportifs - légaux ou pas - les données "live, in-play" qui permettent à un 1XBet de proposer Rousset Sainte-Victoire-Lucciana en direct à ses clients.

1XBet ne s'arrête pas en si bon chemin, d'ailleurs. Ce même week-end, cet opérateur basé à Chypre, fondé par trois bookmakers russes en cavale, proposait aussi une sélection de matches opposant des équipes U19 françaises. ASSE U19-SC Air Bel U19 était de ceux-là. "Live, in-play", bien sûr.

Au Stade Aimé-Jacquet aussi, une agence de collecte de données avait dépêché un data scout qui, armé d'un portable ou d'une tablette équipés d'un logiciel maison, envoyait un flux constant de données à son employeur, moyennant une rémunération de 50 ou 60 euros, plus frais, par match en moyenne.

Ces données étaient alors transmises en temps réel aux clients de ces agences, à savoir les plateformes de paris sportifs, légales ou pas. Dans ce cas précis, illégales, puisqu'il est rigoureusement interdit de parier sur des rencontres mettant en lice des amateurs ou des mineurs en France.

 

 

De Rousset Sainte-Victoire au PSG

Que faire pour empêcher l'exploitation du football français amateur et de jeunes par ces opérateurs illégaux ? Quelles lois, quels règlements invoquer ? Là est le problème. Incroyablement, la collecte de données n'est pas interdite dans les stades français, et même quand elle est monétisée, ne revêt pas de caractère d'exclusivité.

La LFP a ainsi récemment vendu ses data rights à l'agence Infront pour 135 millions d'euros sur cinq ans à compter de la saison 2024-2025. Infront aura donc le droit de vendre les données relatives aux rencontres de L1 et L2 aux plateformes de paris en ligne - à celles, en tout cas, qui pourront présenter une licence en bonne et due forme.

Mais cela n'empêchera pas les concurrents d'Infront d'envoyer leurs scouts sur les terrains, afin d'alimenter en données d'autres clients, peut-être moins scrupuleux, ni vu ni connu. Ici comme ailleurs, les régulateurs ont un temps de retard sur les bookmakers illégaux, en raison du flou légal qui entoure leurs activités.

Si le Barça, le PSG ou le LOSC peuvent toucher des millions de 1XBet en échange du droit d'utiliser logos, blason et images des joueurs de leurs clubs, c'est que 1XBet n'exploite ce droit qu'en dehors du territoire français. Au Maroc, par exemple... bien que 1XBet n'a pas et n'aura jamais de licence dans ce pays.

 

 

De Rousset Sainte-Victoire au PSG, il devrait y avoir un monde, et d'une certaine façon, en donnant un autre sens à l'expression consacrée, il est exact qu'il n'y en a qu'un. C'est celui des paris sportifs, ce trait d'union entre les puissants d'entre les puissants et ceux pour qui le football n'est qu'un plaisir, un petit appoint tout au plus.

1XBet a besoin du PSG et de Barcelone pour asseoir sa notoriété et sa crédibilité, car comment croire que des clubs aussi prestigieux pourraient associer leurs noms à des entreprises illégales, voire criminelles ?

1XBet a également besoin de Rousset Sainte-Victoire et de milliers d'autres clubs de l'ombre pour offrir un éventail de matches aussi large et varié que possible à sa clientèle, histoire de se distinguer de la concurrence. Beaucoup de parieurs aiment aussi intégrer des matches de divisions inférieures dans leurs "accumulateurs" (paris combinés).

Enfin, et c'est là le recoin le plus sombre d'un paysage déjà noyé dans l'ombre, il est beaucoup plus facile, et beaucoup moins cher, de manipuler le résultat d'une rencontre opposant des joueurs à qui on offrira le décuple de leurs primes de match pour "lever le pied" (ce dont on ne peut et doit aucunement soupçonner les footballeurs de Rousset Sainte-Victoire, doit-on préciser).

Encore faut-il que le match soit offert par les bookmakers, ce qui implique la présence de data scouts dans les tribunes. Et voilà la boucle bouclée.

 

Réactions

  • magnus le 17/10/2023 à 13h22
    Article très intéressant, merci.

    2 trucs à corriger dans les 2 premiers paragraphes: "rendu un signalé service" revient 2 fois.

  • Jamel Attal le 17/10/2023 à 16h51
    Ben non, la répétition est volontaire :)

  • Balthazar le 18/10/2023 à 20h25
    C'est aussi passionnant que désespérant... Merci pour ce remarquable article.

  • Sens de la dérision le 19/10/2023 à 11h14
    Effectivement c'est un article intéressant : on ne se doute pas vraiment qu'il y a des scouts en N3 ! C'est désespérant et même effrayant. Par contre, a-t-on une idée de combien de parieurs sont susceptibles de parier via des plateformes illégales sur des Rousset Sainte-Victoire - Lucciana ?

  • cachaco le 19/10/2023 à 15h28
    Ça me rappelle des offres de freelance il y a une quinzaine d'années en Colombie, on cherchait des anglophones pour assister à des matchs nationaux voire régionaux et transmettre les données du jeu. Je ne comprenais pas l'intérêt à l'époque, tout est désormais bien plus clair!

  • Mangeur Vasqué le 21/10/2023 à 11h13
    Excellent article. Les liens entre le football et les sites de paris sont devenus plus qu’incestueux, le fruit d’une globalisation effrénée et des dérives de la libéralisation.

    Le Gambling Act 2005 au Royaume-Uni (enfin, en Grande-Bretagne car l'Irlande du Nord en est exclue lien), pour prendre ce pays, a été effroyablement nuisible et le football a évidemment bien morflé. T’as même Sky Bet qui sponsorise la Football League tranquille pépouze depuis 10 ans sans que ça semble déranger grand monde (sans parler évidemment des dizaines de clubs pros sponsorisés par les sites de jeu, mais ce ne sont pas des instances comme l’EFL).

    Le Gambling Act 2005 a engendré une forte dérégulation de la législation sur tous les jeux d’argent (un comble pour une loi censée réguler le secteur), voir par exemple cet article de 2020 du Guardian lien (“The gambling boom was kicked off when Tony Blair’s Labour government passed the Gambling Act 2005, dramatically liberalising the laws governing betting. The late Tessa Jowell, who pioneered the legislation, later described this as one of her biggest lien). Qui dit dérégulation dit quasi absence de sanctions, un régulateur tigre de papier, un matraquage publicitaire (omniprésence et instantanéité via Internet et smartphones), la création de tout un tas de stratagèmes pour pousser au jeu, pour étendre les sphères d'influence, etc. Tout ça a conduit à une explosion des addictions et le genre de pratiques décrites par Philippe Auclair.

    L’industrie du pari au Royaume-Uni, c’est un bénéfice (avant impôts) de 14.4 milliards £ par an, soit environ 250 £ par personne par an... (1.6 milliard claqués en publicité).

    Des voix s’élèvent depuis des années pour demander que ces sociétés soient au moins taxées spécifiquement pour participer au financement de la prévention, du coût de la l’addiction, des traitements, etc. mais elles s’expriment largement dans le vide.

La revue des Cahiers du football