Comment éviter de jouer gardien ?
Aller dans la cage quand on n'a pas la vocation, c'est un peu aller en prison. Six astuces pour échapper à ce mauvais sort.
Dans les foots de rue ou de campagne, face à une équipe amie ou rivale, c'est toujours la même rengaine : personne ne veut jouer gardien de but, mais il en faut bien un. Comment ne pas être cet infortuné ? Quelques artifices vous secourent dans cette tâche ardue.
1. Feignez une infirmité au bras
Choisissez une blessure invisible et tenace pour qu'elle vous serve longtemps d'excuse. Conseillons la tendinite du poignet ou du coude, la seconde ayant l'avantage de ne prêter à aucune raillerie.
Deux contraintes : veillez à jouer les touches avec un rictus de douleur et à laisser s'écouler un laps de temps crédible entre deux blessures. Alterner le bras atteint n'est pas judicieux puisqu'un bras déjà meurtri est susceptible de développer à nouveau une blessure analogue.
2. Convenez de la règle du goal volant
De la sorte, l'ennui de garder les buts est presque compensé par un double plaisir : celui de participer sporadiquement au jeu digne du nom et le frisson d'abandonner sa cage.
Si par malheur le ballon échoit dans vos filets désertés, montrez-vous soit assez charismatique pour prévenir les reproches de vos coéquipiers sur votre inclination offensive, soit assez persuasif pour leur faire avaler qu'apporter le surnombre était prometteur, soit assez veule pour rejeter la faute sur le jean-foutre qui a perdu la balle (si ce n'est vous).
3. Faussez la désignation
Une façon répandue de tirer au sort est la suivante : à chaque joueur de l'équipe revient secrètement un nombre, de 1 à la taille de l'effectif. Charge à un adversaire de choisir un nombre dans l'intervalle, dont le joueur correspondant va devoir garder les buts.
L'astuce est de faire un signe à l'adversaire qui donne son sentencieux concours : de la main, indiquez discrètement le nombre que vous souhaitez voir tiré, donc pas le vôtre. La faille est que rien ne l'oblige à suivre votre stratagème. Mais fiez-vous à la bassesse de l'homme pour s'amuser d'une crasse, et d'autant plus d'y participer.
N'évitez cette méthode que si vous affrontez des personnages moraux, auquel cas vous courriez un risque de plus d'être désigné puisque le nombre glissé serait écarté d'emblée. Dans tous les cas, préférez le nombre un, rarement choisi.
4. Encaissez un but
C'est un parti expéditif lorsqu'il est convenu que le goal change à chaque but encaissé. Si une tierce équipe s'apprête à remplacer la perdante de votre match, calculez bien votre coup : ne le faites jamais si le but en question assure votre défaite.
Tâchez ensuite de marquer de façon méritoire pour, d'une part, corriger le scénario du match, d'autre part, vous rétablir dans l'estime générale. Encore que les meilleurs gardiens professionnels soient sujets à la bourde, il est en effet difficile de goaler mal en faisant semblant du contraire, et votre lâcheté sera suspectée.
5. Soyez reconnu comme un joueur de champ précieux
Si, ayant constamment démontré votre talent de défenseur, de meneur ou de buteur, vous vous ouvrez de ce désir universel de ne pas goaler en représentant que vous servez mieux l'équipe à votre poste de prédilection, un consensus vous apportera sa dérogation.
Il se peut toutefois que quelques belles âmes égalitaristes ronchonnent. À vous de voir quelle attitude adopter : vous déployer pour les gagner à votre dérogation, condescendre par extraordinaire à jouer gardien ou comploter leur ostracisation. Une variante accessible de cette méthode d'élite est de tolérer un piètre coéquipier à condition qu'il se coltine les cages en permanence.
6. Trouvez un copain qui aime goaler
Alors vous êtes béni. Montaigne a écrit un de ses plus beaux essais sur la chance très rare et très grande de rencontrer un tel ami. Parce qu'il voulait goaler, parce que je ne le voulais pas.Arrangez-vous ensuite pour qu'il accorde son emploi du temps au vôtre.