Déclin du foot français: le démenti des joueurs et des entraîneurs
Le sondage de l'hebdomadaire, malgré une couverture sur Courbis à contresens (voir la Gazette 11) a donné un tout autre contenu au débat obsessionnel sur l'affaiblissement de notre compétition nationale.
Les résultats sont assez éloquents, puisque la moitié des joueurs interrogés trouve que le championnat est resté au même niveau ces dernières années. Un tiers d'entre eux a même bravé l'opinion de tous les cafés des sports du pays, estimant que le championnat était en progrès. Seuls 18% diagnostiquent une baisse de niveau... Les Girondins se signalent par un pessimisme étonnant. Ils semblent autant sous-estimer la D1 qu'ils se sous-estiment eux-mêmes.
Mais si l'on fait une synthèse des avis les plus partagés, on arrive à un diagnostic assez juste sur les évolutions du foot français, même si la question absurde du "niveau" est impossible à trancher.
1. L'exil de nombreux joueurs de haut niveau est unanimement reconnu comme une cause de régression technique, que Fred Antonetti s'amuse à évaluer à 10%, ce qui semble assez juste. Pourtant, tous ou presque évoquent les facteurs qui contrebalancent ce déficit.
2. Le niveau de la préparation tactique et physique a nettement progressé, notamment grâce au travail de la DTN et à la professionnalisation croissante des clubs. Là aussi le constat est unanime, et est avancé comme explication du nivellement des valeurs, associé au fait que les joueurs et les "petites" équipes ont perdu leurs complexes (à l'exemple des promus de la saison passée). L'entraîneur bastiais souligne d'ailleurs que les gros budgets se comptent désormais sur les doigts des deux mains, et que la compétition en est renforcée; dans le même ordre d'idée, Laigle ou J.-J. Vierne (auteur de l'article) sentent que la période est à une "redistribution des cartes" ou à une "crise de pouvoir", rejoignant notre impression de juillet que cette saison serait décisive pour l'avenir (La saison des longs couteaux).
3. Antonetti et Rodriguez évoquent aussi l'apport de joueurs étrangers meilleurs qu'auparavant, et avec Baticle, Le Roy ou Bréchet, ils insistent sur l'effet positif de l'éclosion continue de jeunes de grande qualité, issus de centres de formation qui leur donnent un bagage technique considérable. Le défenseur lyonnais dit qu'on ne peut parler "de régression mais plutôt d'un rajeunissement". Rien ne laisse penser en effet que la formation française ne soit plus capable de produire d'autres générations de grand talent. Au contraire, puisque ses missions et ses méthodes ont été confortées par leurs succès. Le pillage des centres n'atteint pas des proportions délirantes et les espoirs ont l'occasion de jouer et de progresser, permettant au championnat d'échapper à la sclérose. La contrepartie est un manque certain d'expérience, mais la situation inverse serait bien plus grave.
En définitive, en tenant compte des progrès effectués sur les plans de la culture tactique, de l'organisation, de l'audience, des infrastructures et des finances, il apparaît que le championnat s'est globalement renforcé, et qu'il n'aborde pas l'avenir sans armes. Son "retard économique" n'est pas si dramatique, et il peut continuer à s'appuyer sur ses points forts. Le resserrement des valeurs et la nécessité d'une période de transition ne doivent donc pas être hâtivement confondus avec un écroulement.
Les paroles des professionnels sont rassurantes, venant de ceux qui sont a priori les mieux placés pour répondre à ces interrogations en vogue et à l'alarmisme qui les accompagne, même si l'on peut penser que les joueurs et les techniciens ne vont pas spontanément dévaloriser leur propre niveau au travers de celui de la compétition nationale. Ces paroles s'opposent en tout cas nettement aux verdicts de leurs dirigeants, du moins de ceux qui veulent absolument prouver le déclin du football français...