L'exclusion temporaire est-elle une (fausse) bonne idée ?
Minichronique - Le Board autorise l'expérimentation du "carton blanc", avec de bonnes intentions mais des conséquences encore une fois mal mesurées.
La minichronique pose une question, elle n'y répond pas toujours et, à la fin, elle en pose une autre.
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L'adoption à la hussarde de l'arbitrage vidéo, en 2018, a libéré une vague inédite de réécriture des lois du jeu, principalement afin de les adapter à la VAR en espérant (vainement) les "clarifier" ou les "simplifier". Cette vague de réformes a aussi favorisé l'adoption (sans plus de débat) de la refonte du temps additionnel et des cinq remplacements.
Ainsi l'Ifab vient-il de ressortir de ses cartons... le "carton blanc", exclusion temporaire de dix minutes, en autorisant son expérimentation [1]. L'enfer des fausses bonnes idées étant toujours pavé de bonnes intentions, celle-ci en est-elle une ?
Les intentions sont louables puisqu'il s'agirait de s'attaquer aux "protestations à l'encontre de l'arbitre" et aux "claires fautes tactiques". Cette plaie n'est pas nouvelle, et il faut rappeler que les réformes post-Mondiale 1990, marqué par les actes d'antijeu, avaient inclus la très bénéfique systématisation des cartons jaunes à leur encontre.
S'agissant "d'améliorer le comportement des joueurs", dixit l'Ifab pour justifier sa décision, on ne répétera jamais assez que le problème est culturel dans un sport qui tolère les contestations plus que tout autre et a fait du "réarbitrage" un fonds de commerce. Cet objectif était aussi celui de la VAR, pour le résultat inverse.
L'idée, également promue, de ne permettre qu'au capitaine de s'adresser à l'arbitre ne s'attaque elle aussi qu'aux symptômes. Quant à la sanction de l'antijeu, les avertissements n'y suffiraient plus ?
Les cartons jaunes ne seraient plus assez sévères, et les rouges trop. D'où le retour de cette vieille idée, de bon sens, qu'une sanction intermédiaire introduirait plus de souplesse et de justesse dans l'arbitrage, renforcerait l'autorité de l'homme ou la femme au sifflet.
Problème : avec un troisième niveau de sanction, on introduirait aussi une nouvelle responsabilité pour les arbitres, c'est-à-dire une nouvelle zone d'interprétation et donc un angle supplémentaire pour contester leurs décisions, de les comparer entre elles et d'alimenter leur procès. Non plus "Jaune ou rouge ?", mais "Jaune, blanc ou rouge ?"
Passons sur cette énième inspiration nord-américaine pour souligner que cette mesure s'inscrit encore dans la quête illusoire d'une "justice" absolue de l'arbitrage, ignorant que sa fonction première est que le jeu se poursuive - avec autant d'équité que possible, mais avec son lot d'injustices perçues.
Une exclusion de dix minutes aurait aussi pour effet de perturber les équilibres du jeu et la continuité du match, pas forcément en le rendant plus ouvert ni à l'avantage de l'équipe en supériorité numérique - même si cet ajout de désordre peut relever d'une volonté d'ajouter artificiellement un élément de "spectacle" (à l'instar des interventions de la VAR).
Comme lorsqu'on prône la diffusion des paroles des arbitres, la question se pose : faut-il "ajouter de l'arbitrage" - à la fois dans le jeu et dans son commentaire - pour des bénéfices incertains, sans soigner la maladie : l'obsession contemporaine, devenue pathologique, pour l'arbitrage ?
[1] L'UEFA a décliné cette possibilité, mais les instances françaises de l'arbitrage ont manifesté leur intérêt. La disposition est déjà appliquée au niveau amateur depuis 2018.