La Gazette, numéro 28
D1, J-10
À dix journées de la fin, le championnat n'a toujours pas distribué les cartes et reste d'une indécision terrible. La 24e journée a cependant étoffé certaines mains.
L'Olympique lyonnais se replace avec une victoire significative contre les Nantais, et l'on se prend à penser qu'il pourrait arriver finalement sur le podium. L'équipe de Santini, parfois dans la médiocrité, est restée finalement d'une certaine régularité, ne concédant par exemple que quatre défaites (un record dans ce championnat). Pour peu qu'elle hausse son niveau de jeu, comme c'est le cas en ce moment, son final pourrait bien être gagnant. Gerland en rêve…
Nantes est passé à la douche écossaise, comme tout le monde, après avoir caressé l'espoir de se détacher en tête, comme d'autres auparavant. C'est Lille qui lui reprend le maillot jaune, après une bonne thérapie de groupe, et un nouveau sympathique outsider à fortes valeurs collectives est à l'honneur. Le LOSC devra cependant prendre garde à ne pas verser dans l'euphorie, et prendre pour modèle Sedan plutôt que Saint-Étienne pour assurer la continuité de sa bonne saison de promu.
Bordeaux, Bastia et Sedan restent placés, avec toutes les arrière-pensées du monde, et ce peloton de tête, s'il daigne ne pas se décomposer trop vite, devrait nous offrir une belle dernière ligne droite.
Moins belle mais tout aussi dramatique, celle du bas de tableau pourrait concerner du beau monde, avec un concours pour le grand prix de la désillusion que Monaco, Marseille ou Saint-Étienne vont se disputer. Si le cas stéphanois est à part, et encore suspendu, les parcours de nos M les maudits présentent quelques analogies: limites psychologiques et techniques, spirale de la médiocrité, conflits internes. Mais l'ASM, contrairement à l'OM, a maintenu la confiance à son entraîneur et peut encore agir sur le marché des transferts pour préparer un renouvellement. Les départs de Marcelinho, Ingesson ou Adriano sont autant de pertes sèches pour le club phocéen, menacé financièrement et qui reste dans le brouillard le plus total.
Footballeurs, politique et marketing
Les joueurs de football ont une conscience politique qui s'arrête en général au niveau de leur taux d'imposition ou se limite à quelques banalités humanitaires, ce qui en fait des proies faciles pour les hommes politiques qui espèrent en tirer quelques bénéfices d'image.
Zoumana Camara figure sur une liste qui se présente aux municipales d'Aix-en-Provence, et les propos du défenseur marseillais sont touchants de naïveté: "C'est pour faire passer un message, auprès de ces jeunes, que quand on veut, on peut. Maintenant, dire que je suis plus de droite que de gauche, je n'y tiens pas. Je ne veux surtout pas que l'on me colle une étiquette politique" (Foot365 24/01).
"À Marseille, l'événement médiatique du jour était placé sous le signe de Zinédine Zidane". Ainsi commençait un reportage d'Infosport, ânonné sur un ton et avec un texte qui semblaient sortir tout droit du journal télévisé de Groland. La visite du meneur des Bleus, venu à Marseille pour inaugurer son nouveau portrait sur la corniche, est du pain béni pour journalistes de télévision. Elle mettait en scène un lot considérable de clichés et lourds symboles autour de la "personnalité préférée des Français" et sa ville d'origine. Elle était surtout une belle opération publicitaire, orchestrée de main de maître par l'équipementier du joueur qui a pu bénéficier de l'entière collaboration des médias. Le "vandalisme" subi par la précédente affiche a servi de prétexte à un renouvellement avec caméras, fanfare et officiels.
C'est ici que cela tourne au comique, puisque Jean-Claude Gaudin a été accusé par René Olmeta (candidat socialiste, rien à voir avec le gardien) de s'être approprié l'événement à des fins électorales (AFP 29/01). Quand les élus en sont à se disputer de tels symboles, c'est qu'il ne reste plus de la politique que le marketing politique.
Dur d'être laxiste
Forcément, quand la Ligue applique ses règlements, cela a tout l'air d'une injustice, d'une infraction au laxisme habituel. Dans un contexte très sensible, la Commission de discipline n'a pas lésiné en infligeant six mois de suspension, dont trois ferme, à Frédéric Antonetti, coupable d'avoir poussé le quatrième arbitre. On s'en féliciterait si cette sévérité n'était pas exceptionnelle, et n'avait donc l'air d'un "arbitrage de compensation". Car dans un championnat professionnel qui ne marcherait pas sur la tête, une telle mesure semblerait parfaitement normale. Ce n'est pas elle qui pose problème, mais toutes les autres.
Les dirigeants bastiais (qui par ailleurs ont râlé contre la clémence des sanctions prises à l'encontre du LOSC après les incidents du 20 décembre) peuvent crier au bouc émissaire et en appeler au peuple corse contre cette décision. Antonetti est désigné "entraîneur à vie" et les places seront gratuites pour le prochain match. À quelque chose malheur est bon. Et la Commission d'appel n'est pas encore passée par là.
Prix Nobel de la guerre
La semaine dernière, un député suédois a proposé que le football soit candidat au prix Nobel de la paix. Il n'a pas joint à son dossier les résultats de ses tests psychiatriques. Lars Gustafsson estime que ce sport permet de "promouvoir l'harmonie et la compréhension entre les peuples" (AP 22/01). On a beau aimer le football et déborder de bons sentiments, les exemples de la violence hebdomadaire que déchaîne notre sport préféré suffisent à considérer l'idée comme parfaitement saugrenue. Le football est malheureusement un terreau plus spontanément fertile pour le nationalisme et la xénophobie, pour la haine et la bêtise que pour les élans humanitaires. La pêche à la ligne serait un candidat plus crédible. D'autre part, c'est qui, "le football"? L'académie est-elle tellement en mal de candidats humains aptes à représenter la paix, qu'elle est obligée d'en choisir de fictifs? Pourquoi pas Disneyland?
En tout cas, l'initiative a dû provoquer une poussée d'adrénaline chez certains dignitaires de la FIFA, qui se verraient très bien recevoir le fameux prix à Stockholm, en octobre prochain.