Le journal du jeu #8 : Thierry Henry impuissant et histoires de corners
On parlera du derby la prochaine fois. • Monaco: un coach qui ne gagne pas • Corners a deux: la bonne idée ?
Dans un football de plus en plus inégalitaire mais loin d'être linéaire, chaque semaine offre son lot d'enseignements plus ou moins anecdotiques. Tour d'horizon de téléspectateur.
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Being Thierry Henry
Tout le monde le sait, il y a le bon et le mauvais chasseur. En Ligue 1, il semblerait qu'il y ait le bon et le mauvais râleur. Prenons, au hasard, Thierry Henry et Michel Der Zakarian, symboles de ce week-end en Ligue 1.
D'un côté, le coach monégasque, épinglé pour une insulte pas franchement intelligente envers le Strasbourgeois Kenny Lala captée par des micros dont, en tant que novice, il a peut-être oublié la présence. De l'autre, l'entraîneur montpelliérain, occupé à commenter (façon "Ooooh et le carton???!!!!") toutes les décisions de l'arbitre officiant lors du déplacement de sa formation à Rennes.
Le match terminé, l'ancien champion du monde retrouve ses habits de personnage éloquent mais hautain, là où son homologue garde trop souvent son côté méprisant, voire belliqueux – surtout envers la presse écrite, et surtout quand il n'y a plus beaucoup de caméras.
Différence de médiatisation envers les clubs et personnages, effet de nouveauté pour l'un et de lassitude pour l'autre ou, simplement, importance des résultats dans la construction médiatique et publique? Peu importe la raison, les mots, à poids équivalent, ne font pas les mêmes dégâts selon leur provenance. D'autant que ce constat, finalement anodin par rapport aux résultats, contribue à leur stagnation sur le Rocher.
Il y a beaucoup de choses à dire sur les choix stratégiques de Thierry Henry, qui semble sans cesse tiraillé entre ses ambitions de jeu et la réalité d'une situation à laquelle il n'a jamais été confronté sur la durée, même comme joueur. Sachant qu'en situation de crise courte mais intense, notamment à Knysna, on ne peut pas vraiment dire que son charisme a servi à redresser la barre.
Mais le problème dépasse le tableau noir, et se trouve dans un concept vague, qu'on n'apprécie pas particulièrement en ces pages mais qui a aussi de l'importance: l'engagement des joueurs. Trop souvent évoqué comme explication à des déséquilibres structurels que les observateurs n'arrivent pas à cerner, alors même que les rencontres sont à peu près toujours disputées par des équipes ayant la même envie de gagner, il se retrouve dans les buts concédés contre Strasbourg.
En détail? Une tête de Ludovic Ajorque entre Kamil Glik et Benoît Badiashile, une autre d'Adrien Thomasson devant un Glik immobile, une frappe d'Ibrahima Sissoko après une balle perdue par Cesc Fabregas (qui trottine et tourne vite le dos au moment de l'envoi), un slalom d'Ajorque où Fodé Ballo-Touré accompagne l'action et ses partenaires regardent, et enfin une transition conclue par Youssouf Fofana, tandis que tout l'ASM était dans le camp adverse.
Prises séparément, les situations n'auraient pas dû amener de buts, en tout cas pas autant, même si Strasbourg n'a évidemment rien volé. Avec six tirs cadrés, trois buts hors de la surface et des expected goals de 1,41 à 0,87 (0,95 à 0,87 avant le face à face du 5-1), les Alsaciens ont maximisé toutes leurs incursions. Réduit à dix après sept minutes, Naldo, le sosie de Diego Rolan, ayant aggravé une perte de balle de Ballo-Touré, Monaco a d'abord perdu le match dans les deux surfaces.
Et c'est là qu'on en revient à la personnalité de Thierry Henry, suffisamment entouré et connaisseur pour voir les problèmes et imaginer des solutions systémiques. Là où on retrouve dans les revanchards Gaëtan Laborde et Andy Delort le côté battant de leur coach, c'est comme si tous les Monégasques, gardiens inclus, avaient été contaminés par l'aspect détaché de l'ancien buteur.
À ce stade, il n'est vraiment pas exclu que Monaco, que les stats avancées placent en onzième position du championnat (ce qui ne change pas le problème mathématique mais donne l'espoir d'un retour à une forme de normalité), se réveille la saison prochaine. Comme le LOSC où Christophe Galtier, en galère l'an dernier malgré le maintien, a eu la vie facilitée par les recrues et la possibilité de gérer son équipe dès juillet. Il n'est pas exclu, non plus, que Thierry Henry soit un bon entraîneur dans un mauvais contexte. Mais, pour rester en Ligue 1, il faudra plus de duels aériens gagnés par des anciens que de panenka réussies par des ados.
Corners : à deux, c'est mieux ?
Comment doit-on tirer les corners? Pour marquer, il n'y a pas de réponse suffisamment probante pour que toutes les équipes adoptent un seul modèle – même si les caractéristiques d'un effectif (taille, qualité des tireurs) obligent de toute façon les entraîneurs à adapter leurs idées d'une saison à l'autre.
La multiplication de déplacements sans ballon sur des envois directs, avec notamment des systèmes d'écrans, rend plus difficiles à lire des phases autrement binaires, où la défense ne cherche généralement qu'à bien lire la trajectoire pour dégager le danger. L'attaque a cependant d'autres solutions et peut, en jouant court, recréer les conditions d'un centre dans le jeu… mais avec plus de présence dans la surface.
Dans l'étude "Analysis of Corner Kick Success in Elite Football", une équipe de chercheurs a déterminé que les corners, largement inefficaces à l'échelle de leur nombre, gagnent en réussite quand ils sont le point de départ de combinaisons à plusieurs. Cela n'empêche pas les spectateurs d'être souvent réfractaires à l'idée de ne pas les tirer directement, comme si la zone touchée était plus importante que la manière dont on s'y rend.
Ce week-end, il y a eu plus de buts sur des envois dits classiques. Alexandre Lacazette (Arsenal contre Chelsea), Roberto Firmino (Liverpool face à Crystal Palace) ou Sébastien Haller (Francfort opposé à Fribourg) ont pourtant converti des actions suivant des corners courts, sur un volume total bien inférieur. Et sans qu'un désavantage physique intrinsèque n'oblige ces formations à inventer quelque chose pour brouiller les pistes.
Un match a mis en lumière l'autre inconvénient de tirer les corners directement, à savoir la transition qui les suit. Dans le Hoffenheim-Bayern de vendredi, Leon Goretzka (pour le 0-2) puis Nico Schulz (pour le 1-2) ont chacun marqué sur l'action suivant une tentative adverse. Rappelant ainsi les derniers instants du match Belgique-Japon de cet été, où la volonté de marquer le but de la qualification s'était retournée contre les Japonais.
Beaucoup moins inhabituelle qu'on ne pourrait l'imaginer, notamment face à des équipes comme Dortmund ou le Real, la situation rappelle l'impossibilité de prévoir ce qui suivra une balle jouée au loin, dans une zone très peuplée. Une course commune vers le but sans que le cuir n'arrive et c'est la moitié d'une équipe qui peut être éliminée.
Les combinaisons n'enlèvent pas tous les risques, mais elles ont le mérite de fixer des joueurs à des endroits précis en automatisant les déplacements et en anticipant l'endroit où la possession pourrait être perdue. Et, au-delà du degré d'incertitude qu'elles introduisent pour l'adversaire, ouvrent des angles de passes qui simplifient le problème inhérent au corner: envoyer derrière la ligne une balle qui s'en éloigne.
En vrac
Percutant mais désespérément inefficace à Séville, Luis Muriel a fêté son arrivée à la Fiorentina de deux buts sur des superbes rushs solitaires, résistant difficilement à son idée de ne pas célébrer face à son ancien club (3-3 contre la Sampdoria). Nouveau coup franc direct inscrit par Arkadiusz Milik, devenu quasiment incontournable à la pointe de l'attaque du Napoli (2-1 face à la Lazio).
Dans un mercato estival très mitigé, l'AS Roma a sans doute fait un énorme coup en refilant à l'Inter un Radja Nainggolan qui semble payer sa mauvaise hygiène de vie, récupérant en échange l'excellent– et encore buteur – teenager Nicolo Zaniolo (3-2 face au Torino). Souvent navrant ces dernières semaines, le Real a gagné la bataille du milieu contre Séville grâce à un très bon Luka Modric et décroché une victoire 2-0 plus méritée que le 2-1 au Betis six jours plus tôt.
En coupant les attaques à leur source, les Gunners ont battu Chelsea sans trembler (2-0), ouvrant la porte à un déluge de critiques envers Jorginho, qui est pourtant le même joueur qui a aidé Naples à marquer 91 points l'an dernier. Ni l'Ajax, tenu en échec par Heerenven (4-4), ni le PSV, freiné par Emmen (2-2), n'ont gagné, eux qui cumulaient un nul et une défaite contre le reste du championnat jusque-là.
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