Quand peut-on parler d'« exploit » ?
Minichro – Qu'est-ce qui "crée" l'exploit? Comment définir un terme qui a parfois été employé à propos de la belle victoire de l'OL face à la Juventus?
La minichronique pose une question, elle n'y répond pas toujours et, à la fin, elle en pose une autre.
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Le mot est souvent employé dans les médias sportifs, et c'est normal puisque les athlètes sont en quête d'exploits. Mais dans un domaine où l'hyperbole et les superlatifs sont de rigueur, cet emploi est souvent abusif. Alors, comment caractériser l'exploit?
Il n'existe pas de charte précise permettant de dire quand le mot est pleinement légitime, même si certaines performances font consensus: un record, l'obtention d'un titre prestigieux, un résultat inédit ou inattendu. On voit s'esquisser deux types d'exploits.
Les uns marquent une victoire dans une grande compétition, ils sont certifiés par la hauteur de la marche. L'or olympique (même pour Teddy Riner), une victoire en Coupe du monde de football (même pour le Brésil) constituent des exploits. Les autres caractérisent une performance improbable contre plus fort que soi.
Le plus souvent, les uns sont le privilège des "grands", les autres une concession faite aux "petits", d'autant qu'en football, les écarts de puissance financière et sportive se sont creusés. Les clubs riches ont moins de mérite à gagner (le PSG triomphe sans grande gloire en Ligue 1), les clubs modestes ne peuvent que les bousculer, de temps en temps.
Parfois, l'exploit est double. En remportant la Premier League en 2016, Leicester City a décroché un Graal sportif alors que ses chances paraissaient infimes. L'exploit se mesure donc de manière absolue et/ou relative. Cela explique, dans le second cas, que l'exploit peut être ponctuel (ou résider dans un beau parcours).
Les exploits "sans lendemain" peuvent conduire à des abus de langage. Par exemple, la victoire de l'OM à Anfield (1-0) en octobre 2007 avait suscité quelque emballement. Liverpool avait ensuite gagné 4-0 au Vélodrome, et l'OM fini troisième du groupe. "L'exploit" avait été invalidé. L'OL en est là: s'il ne se qualifie pas à Turin, sa victoire restera seulement un joli souvenir.
On se rappelle aussi la controverse que L'Équipe avait déclenchée, le surlendemain d'un PSG-Barcelone (3-2, septembre 2014), en classant ce match dans un top 10 des performances françaises dans la compétition. Paris avait plus tard été éliminé en quarts de finale… par le Barça, futur vainqueur [1].
La culture de l'instant qui caractérise la médiatisation du sport entre en conflit avec la nécessité de relativiser une performance: il est risqué de lui assigner trop vite une place dans l'histoire et dans les mémoires.
Plusieurs facteurs hiérarchisent donc les exploits: le prestige et le stade de la compétition, le prestige et la valeur de l'adversaire, mais aussi la qualité du spectacle et sa dramaturgie. Les renversements, les gestes inoubliables font aussi l'exploit. C'est la différence, par exemple, entre le PSG-Real de 1993 (4-1) et le Real-OL de 2010 (1-1).
Si l'on peut objectiver cette notion, il lui reste heureusement une part subjective: chacun est bien libre de la définir comme il le veut, et d'établir son propre palmarès. C'est quoi, votre top 10 des exploits français en coupe d'Europe?
[1] Après le PSG-Barcelone de février 2017 (4-0), lequipe.fr récidivait avec un top 10 incluant ce match aller de la remontada (mais plus le PSG-Barcelone de 2014).