Union Saint-Gilloise – RWD Molenbeek : ici c’est Bruxelles
Cela faisait 30 ans que ça n’était plus arrivé: l’Union Saint Gilloise et le RWD Molenbeek se sont retrouvés en ce mois de janvier pour faire revivre le derby historique de la capitale belge. Une sorte de fête du football bruxellois qui a comblé (presque) toutes les attentes.
Union-Daring, le derby originel
La rivalité historique entre l’Union Saint-Gilloise et le Daring de Molenbeek, c’est un peu le mythe fondateur de la culture football à Bruxelles, une mémoire collective qui a échappé à la marchandisation du folklore de la capitale belge et européenne. Pour comprendre ce que cela signifie, il faut remonter aux années 1930, à une époque où Anderlecht n’avait toujours pas gagné le moindre titre de champion de Belgique. La Royale Union Saint-Gilloise domine alors largement le football belge et remporte les trois premiers championnats de la décennie. Entre 1933 et 1935, l’Union réalise une impressionnante série de soixante matches sans défaite. Et c’est le Daring Club de Bruxelles, basé à Molenbeek, qui met symboliquement fin à la récréation le 10 février 1935 avant de devenir à son tour champion de Belgique. La rivalité entre les deux clubs marque durablement les esprits bruxellois; une célèbre pièce de théâtre en brusseleir, Bossemans et Coppenolle, relate même un amour impossible pour causes de rivalités footballistiques.
Sportivement pourtant, le succès des deux clubs n’a pas survécu à la professionnalisation et aux évolutions du football moderne. L’Union Saint-Gilloise n’a plus été champion depuis la fameuse année 1935, et fait l’ascenseur entre les différents échelons nationaux depuis la Seconde Guerre mondiale. L’histoire du Daring est encore plus mouvementée. Après plusieurs relégations, le club est renomméDaring Club de Molenbeek avant de disparaître en 1973. Depuis, les conflits se succèdent entre plusieurs clubs pour récupérer l’héritage du Daring, son nom, son matricule, son stade et son public. Dans ces conditions, les rencontres entre les deux clubs se font de plus en plus rares – le dernier derby remonte ainsi à la saison 1984/85, et avait vu le désormais nommé RWD Molenbeek remporter le match 0-1 au stade Marien. Mais les temps ont changé, et si l’Union est revenue en D2, le RWDM renait difficilement de ses cendres en Promotion B (D4).
Molenbeek et ongles
C’est donc peu dire que le match amical organisé par le fougueux président de l’Union, Jurgen Baatzsch, était attendu. Peu importe la pluie, les 5.000 supporters étaient bien présents. Toutes les tribunes du stade Marien étaient ouvertes pour l’occasion, avec notamment les deux parcages au sud du stade entièrement réservée aux visiteurs du RWDM. Et comme 1.000 places ne leur suffisaient pas, de nombreux Molenbeekois étaient présents dans tout le stade. Car pour le public du RWDM, pensionnaire de 4e division, cette rencontre face au grand rival aujourd’hui en D2 est le match de l’année. Le public est bouillant et les chants du RWDM résonnent de part et d’autre du parc Duden. En face, les Union Bhoys, regroupés dans le haut d’une tribune, apparaissent pour une fois un peu timides. Sur le terrain, c’est bien l’Union qui domine la première mi-temps, mais vendange grossièrement toutes ses occasions. Le départ de Cédric Fauré (oui oui, le même), transféré à l’Antwerp cet hiver, n’est décidément pas digéré.
Au retour des vestiaires, le jeu perd un peu en intensité, contrairement aux tribunes dans lesquelles les supporters de l’Union sont tombés face à un sacré morceau. Et rien ne s’arrange puisque Onwuekelu se joue de la défense saint-gilloise et ouvre la marque à la 68e minute d’une belle frappe croisée. Le parcage explose, fumigènes et pétards compris, et la rencontre se tend quelque peu sur le terrain et en tribunes. D’autant que l’Union semble bien incapable de renverser la situation, la faute à une surprenante maladresse en attaque. Au coup de sifflet final, c’est bien Molenbeek qui l’emporte contre toute attente, sur le même score que trente en plus tôt.
Le derby n’est pas mort
Cette rencontre était avant tout l’occasion de célébrer l’identité bruxelloise et une culture foot commune. Il n’était d’ailleurs pas rare de croiser des supporters du RWDM au stade Marien lorsque le club molenbeekois était voué à disparaitre. De leur côté, les supporters de l’Union avaient récemment déployé une banderole "Ceci n’est pas notre derby" lors d’un match face au White Star, qui revendique également l’héritage du Daring. Les écharpes "Bossemans et Coppenolle" aux couleurs des deux clubs, créées pour l’occasion, sont d’ailleurs parties comme des petits pains. La troisième mi-temps a donc rassemblé tout le monde sur la Chaussée de Bruxelles pour fêter l’amour de la capitale, du brusseleir et du football oldschool.
Mais le scénario du match en a fait un peu plus qu’une célébration folklorique. Un match retour est prévu en juillet au stade Edmond Machtens et l’Union, piquée au vif, devra montrer un peu plus d’envie. Nul doute que les supporters unionistes se seraient bien passés d’un affront sportif et des fanfaronnades molenbeekoises au parc Duden. Plus qu’un vestige du passé, ce match amical a donc bel et bien relancé le derby.