Vu du kop gallois : la victoire n’en est que plus Bale
Quand ce qui ressemblait à la poisse ultime au tirage au sort se transforme en superbe souvenir de football.
J’étais conscient que beaucoup de gens n’avaient même pas eu la chance d’être tirés au sort et de décrocher ne serait-ce qu’un seul billet pour un match de cet Euro. Que beaucoup auraient aimé avoir deux places pour une rencontre.
Mais merde.
Nous sommes le 12 décembre 2015, et le seul match que j’ai réussi à obtenir, c’est Russie-Pays de Galles au Stadium.
Mes potes, eux, seront en tribune sur des Allemagne-Pologne, des Irlande-Suède, voire en finale. Ma joie d’aller voir ce que j'imaginais être une équipe de Championship plus Bale contre des Russes décevants à la dernière Coupe du monde était donc assez relative...
Coup de soleil sur le ventre à binouze
Six mois plus tard, la donne est complétement différente. Le match du 20 juillet à Toulouse est, avant même d’être joué, historique pour le Pays de Galles. Un nul, et les Dragons décrochent leur billet pour les huitièmes de finale de leur premier Euro. La presse galloise qualifie le match du soir comme le plus important de l’histoire récente de la sélection.
Les deux premières rencontres des coéquipiers de Bale ont été une agréable surprise et laissaient présager une belle opposition contre les Russes, finalement.
Pas d’aggressivité sur la route du stade, beaucoup de bonne humeur – et une grosse présence policière. Les supporters boivent une dernière mousse avant de s'attaquer aux huit-cents mètres qui lient le palais de justice à l’île du Ramier, tranquillement. Pas mal de gars ont saisi l’opportunité et vendent des canettes d’Heineken sur le chemin, une glacière fixée à leur vélo. Gallois et Russes chantent, la météo est digne du sud et les premiers coups de soleil frappent le ventre à binouze des Britanniques.
Le stadium est acquis à la cause du pays de Galles, et ma place est la première à côté du Kop welsh. Vu la demande des supporters, il y a aussi des gallois à ma droite. Je suis dans la marée rouge.
Puissance sur le terrain et dans les tribunes
Je pensais sincèrement me taper un match pourri, mais, au moment où les 15.000 Gallois entonnent le Land of my fathers, je relativise. C’est un énorme cliché, mais les poils se hérissent. Le soleil occitan offre ses derniers rayons à la pelouse du Stadium, et les Russes donnent le coup d’envoi.
Immédiatement, les Britanniques semblent au dessus. Allen oriente parfaitement le jeu, Ramsey et Bale sont intenables pour une défense russe dépassée et abandonnée.
À la 11e minute, Aaron Ramsey vient libérer son peuple avec un petit ballon piqué par-dessus Akinfeev, devant le virage gallois. Un gaillard à côté de moi me prend dans ses bras, le stade explose, Ramsey et sa coupe peroxydée célèbrent au poteau de corner. Taylor double la mise dix minutes plus tard et fait encore rugir les Dragons.
Les Gallois dominent complètement le sujet et sont plus présents que leurs adversaires sur le terrain. Plus organisés aussi. La défense marche parfaitement et chaque contre se solde par une occasion de but galloise.
La deuxième période est plus équilibrée sur le terrain, mais pas en tribunes. Quatre-vingt-dix minutes quasi ininterrompues de chants descendent du virage est du Stadium.
Et Bale marqua. 67e minute. Propulsant définitivement le Pays de Galles en huitième de finale. Dans les tribunes, des “This is fucking brilliant!”, “Come on Joe boy!”. Des pleurs, aussi. L’arbitre suédois siffle trois fois. Bale, Ramsey et autres King sont les héros de tout un peuple, qui ne rentrera pas à la maison ce soir. Il ne retournera pas travailler. Il restera ici, et boira toutes les bières. En attendant un autre exploit.