Le sexe est-il entré dans le football?
Bouteille - Le football comme métaphore du rapport sexuel, et vice-versa... Inclus: le sexo-test. Extrait du n°25 des Cahiers du football, avril 2006.
Ouvrons les yeux: aussi douloureux que ce soit, les sujets d’analyse n’intéressent personne. Aussi, il s’agit de suivre l’évolution de la presse écrite et de se concentrer désormais sur ce qui fascine réellement le lecteur. Avant «L’influence de la franc-maçonnerie dans le foot» et «Les vrais salaires des stars», voici le premier volet d’une série racoleuse.
«Le football et le sexe vont de pair», a déclaré l’avocat du nouveau méga-bordel ouvert à Berlin. Il est vrai que les frasques de Jody Morris, ou les liaisons sms-ées de David Beckham semblent confirmer que, comme le dit Charles Baudelaire, «seule la brute bande bien». Il est cependant dommage qu’aucune enquête de grande envergure n’ait été conduite. Les données quantitatives manquent, et les études personnalisées ne mènent pas non plus très loin. Malgré la couverture de l’anonymat, Benoît P., éplucheur de citron d’un club en tête de son championnat, a déclaré ne pas vouloir s’étendre sur le sujet. Il faudra attendre son passage probable chez Thierry Ardisson pour savoir si oui ou non, «tenir la main, c’est tromper». Admettons-le: il est probable que le sexe dressé de Patrice Loko ne soit que le mât qui cache la forêt.
Onanisme
Mais pourquoi alors, le sexe et le football iraient de pair? «La vérité, comme l’art, est dans l’œil du spectateur» (Clint Eastwood). Le vice aussi probablement, comme le confirment les constants gros plans télévisuels sur les demoiselles peinturlurées, brebis égarées de la belle aventure de 1998, afin de satisfaire le voyeur installé sur son canapé. L’effort physique, comme un spectacle intense, provoque la diffusion dans le corps des mêmes endorphines que l’orgasme. En 2001, le site addictiontest.com permettait d’observer un film qui mêlait séquences de jeu de foot et scènes de film X, et de comparer l’accélération de son rythme cardiaque. «Tontons tringleurs» et «OM-PSG»: mêmes réactions.
Edgar Morin a ainsi pu évoquer «l’immense orgasme collectif du 13 juillet». Certes, nous sommes plus, en ce moment, dans la mélancolie post-coïtale. Ce va-et-vient entre le plaisir footballistique et la jouissance sexuelle semble en tout cas confirmé par nos commentateurs préférés. Quand Jean-Michel Larqué donne ses indications à un Mavuba flottant dans un maillot bleu un peu grand pour lui («Pas par là! Pas par là! Un peu plus à gauche!»), comment ne pas y voir une réminiscence de l’antique éducation de l’éromène par l’éraste (voir «L’usage des plaisirs» de Michel Foucault), du jeune homme par son mentor expérimenté? Quant à Denis Balbir et ses hurlements de joie à la moindre caresse du cuir, il est plutôt à ranger dans la catégorie des éjaculateurs précoces.
De Rosso à Rocco
Et c’est finalement le même regard qui est porté sur le footeux et le pornophile. On voit ces deux addictions comme quelque chose de honteux, mais de si terriblement banal que l’on jette sur elles un voile pudique. Pas étonnant que la découverte du stade et de la masturbation soient si proches dans le temps: on va au stade comme on va dans un strip-club, entre mecs, avec force bourrades viriles et œillades complices. Quoi de surprenant, donc, à ce que 100% Foot vienne remplacer le traditionnel film érotique de M6? Ou que Jour de Foot précède le samedi soir le Journal du Hard? Comme si de Rosso à Rocco, il n’y avait qu’un seul et même mouvement. À tel point que l’auteur de l’article a désormais pris acte de cette proximité: il demande qu’on lui cache L’Équipe dans le Play-Boy du mois.
Et les Cahiers du football, là-dedans? Ils sont au sport ce que le «porno intellectuel» est au sexe: une tentative désespérée et déjà caduque de civiliser ce qui ne devrait pas l’être.
Sexo-test
Dis-moi quel match tu préfères, je te dirais qui tu es...
• Quatrième journée, OL-Nancy : chez eux, les Lyonnais souffrent. Le spectateur transpire, s’agite, fait des gestes frénétiques, jusqu’à la 93e minute et la tête de Caçapa: l’énergie libératrice éclate, le supporter se lève dans un mouvement frénétique, tous ses muscles se tendent, puis se relâchent. Il s’effondre, le souffle court, le corps flasque, incapable de réagir. Le soulagement se lit sur son visage transpirant et rougi par l’effort: il y est arrivé.
• Mars 2005, huitièmes de finales de la Ligue des Champions : la première mi-temps s’est passée dans un état de plaisir intense, une euphorie permanente. L’OL mène 4-1, le but de Micoud et la transversale d’Ismaël s’apparentent plus à un teasing qui rend encore plus jouissif les trois buts qui vont suivre. Les images s’entrechoquent dans la tête du supporter qui s’abandonne progressivement. Il se dit qu’il est bon d’aimer son club.
Alors? Plutôt orgasme masculin ou orgasme féminin?