Dans les cartons des Dé-Managers : #57
L'homme clé du Barça n'est peut-être pas celui que l'on croît, l'histoire d'amour entre Benitez et l'Europa League, les dernières tendances de forme des équipes et le beau message de Jürgen Klopp : déballez vite nos Cartons. Ah, et on parle aussi médecine allemande.
Changements de dispositifs ou de joueurs, batailles philosophiques et stratégiques, échecs et réussites… Chaque semaine, les quatre Dé-Managers proposent leurs billets d’humeur.
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Rakitic a les os solides
Christophe Kuchly – Le FC Valence est-il meilleur que le PSG? A priori il n’y a pas de raison… mais la qualité de la prestation offerte samedi interroge. D’ailleurs, plutôt que cette question-là, une autre paraît encore plus appropriée: Valence est-il plus à même de mettre en danger Barcelone? Et là, la réponse semble positive. Le problème, c’est que les Catalans, même bien chahutés, ont quand même gagné ce match piège (2-0). Les espoirs parisiens sont donc aussi nombreux que les craintes.
Samedi, les Valencians ont dispensé un cours magistral de pressing pendant une mi-temps. Incapable de remonter proprement le ballon, le Barça a subi comme rarement et concédé un grand nombre d’occasions. Il menait certes d’un but dès la première minute grâce à un oubli de Lucas Orban, mais la prise de risque ayant causé ce but semblait en valoir la chandelle. Et l’on imaginait ce que Paris, avec un peu plus de réussite dans le dernier geste, pouvait réussir au match retour de son quart de finale européen.
La démonstration a cependant une astérisque. Déjà, l’incapacité à marquer rappelle qu’il ne suffit pas d’avoir des occasions pour battre ce qui est désormais une excellente équipe de contres – même si la nature des ratés, dont un penalty, relativise la théorie du “ils ont trop couru pour être lucides devant le but”. Mais le vrai bémol concerne la onze de départ et le changement effectué par Luis Enrique à la pause: mettre Ivan Rakitic à la place de Javier Mascherano aux côtés de Xavi et Busquets au milieu.
L’ancien Sévillan n’est pas le meilleur joueur du monde et il peut même sembler étrange que ce soit lui qui succède à Xavi au milieu cette saison. Outre une qualité technique sûre, il possède cependant une énorme qualité: l’intelligence tactique. Sans relâche, le Croate court pour offrir des solutions et bloquer l’adversaire, un jeu sans ballon qui ne se remarque pas toujours… jusqu’à ce qu’un autre joueur prenne sa place et que la fluidité disparaisse. Et comme il a un énorme coffre, répéter les efforts dans l’ombre n’est pas un problème.
Contrairement à sa devancière qui contrôlait le jeu bien plus haut et pouvait associer deux créatifs à un récupérateur (que Busquets nous pardonne le terme), cette équipe catalane plus directe a transféré une partie de son besoin créatif vers l’attaque. Moins de passes géniales qui n’ont plus qu’à être converties, plus d’inspirations d’attaquants. Pendant un moment, Valence a franchement titillé ses pieds d’argiles, puis le géant a repris sa marche. Avec la maîtrise de celui qui a conscience d’être exposé différemment mais sait exactement où il veut aller.
Fast and Furious : Napoli Drift
Raphaël Cosmidis – L’Europa League est sans doute sa compétition préférée. Il l’a déjà remportée deux fois. En 2004 avec Valence (battant l’OM de José Anigo et de Didier Drogba en finale) et en 2013 avec Chelsea, lors d’un intérim conclu sous les confettis. Rafael Benitez adore la C3. Jeudi soir, en déplacement à Wolfsburg, son Napoli a explosé les Loups: 4-1 et une demi-finale à l’horizon.
Lors de ses premiers jours à Naples, on a parfois cru que le technicien espagnol allait tout casser. Marek Hamsik n’arrêtait pas de marquer, Gonzalo Higuain venait de rejoindre les Partenopei et Lorenzo Insigne ne s’était pas encore gravement blessé. En Ligue des champions, les joueurs de Benitez rivalisaient avec ceux de Dortmund et d’Arsenal. Naples voulait embêter la Juventus. Finalement, c’est la Roma qui a gêné les Turinois, et les Napolitains au passage. Troisièmes de Serie la saison passée, devancés par les Giallorossi, ils ont ensuite été éliminés par l’Athletic Bilbao en tour préliminaire de Ligue des champions.
Une immense déception au départ, qui pourrait dans quelques semaines se transformer en trophée européen, le premier depuis la Coupe de l’UEFA en 1989. Si l’équipe de Benitez a été inconstante cette saison, elle a retrouvé de ses vertus face à Wolfsburg. Un jeu direct, des appels de balle très verticaux et un attaquant qui décroche pour lancer son meneur de jeu vers le but. Quand Marek Hamsik et Gonzalo Higuain s’entendent, le Napoli redevient cette équipe prometteuse d’août 2013, jouissive quand elle n’a pas besoin de construire.
La formation de Dieter Hecking avait surpris le Bayern Munich en jouant rapidement dans son dos fin janvier (4-1). Bien que les Loups ne défendent pas aussi haut que les Bavarois, ils ont connu un traitement similaire par les Partenopei, qui se sont engouffré dans chaque espace laissé un petit peu trop ouvert par la ligne arrière allemande.
Parce qu’ils sont aimantés par le but, les Napolitains sont régulièrement nombreux dans la surface adverse. Sur la réalisation de Manolo Gabbiadini, celle du 4-0, ils sont trois intercalés entre les défenseurs allemands. Sur le 3-0, placés haut, ils avaient exploité une transmission ratée de Josuha Guilavogui. Naples est une équipe impatiente, qui joue toujours mieux dans l’urgence, comme si elle s’imposait vingt-quatre de secondes de possession. Un empressement qui la rend terriblement divertissante et compétente quand l’adversaire ne ferme pas le jeu.
On a aimé
Une bonne équipe de Séville, capable de changer complètement son approche pour venir à bout du Zénit (2-1). Surpris par les contres d’une équipe plutôt repliée sur son but, les Espagnols ont dû abandonner leur habituelle stratégie du hérisson et attaquer une fois l’ouverture du score concédée. À force de pousser et notamment grâce à l’entrée du très bon Denis Suarez, ils ont fini par renverser la vapeur en fin de partie… et pourront reprendre leurs habitudes au retour.
Le match quasi parfait des Nantais contre l’OM (1-0), vendredi. Michel Der Zakarian s’est ajouté à la liste des entraîneurs qui ont changé de système pour forcer Marcelo Bielsa à évoluer en 3-3-3-1, mais le 4-4-2 en losange des Canaris a été tout sauf de l’improvisation: gros travail des attaquants Audel et Gakpé sur la première relance, quatre milieux compacts et efficaces dans leurs compensations et une certaine intelligence dans le jeu direct en attaque rapide.
La bonne entame de Nice contre le Paris Saint-Germain (1-3), samedi après-midi. Les Azuréens ont d’abord dominé dans l’entrejeu, même s’ils n’ont pas vraiment su en profiter offensivement, la faute à des attaques menées systématiquement en infériorité numérique. Lorsque le pressing niçois s’est essoufflé, Paris a enfin pu jouer et Javier Pastore nous régaler.
Le duo Boufal-Lopes, qui n’a pas empêché Lille de bien galérer en deuxième période face à Bordeaux (2-0) mais offre une touche technique bienvenue à une équipe qui tombe facilement dans une banalité monotone. Sofiane Boufal, dont les qualités techniques n’ont jamais été mises en cause, commence à bien s’insérer dans la dynamique collective. Prometteur.
On ne sait pas trop
Un duel Aristeguieta-Le Toux contre Charlie Davies (buteur d’ailleurs)-Jermaine Jones, un but signé d’un Argentin qui a joué dans six pays différents… Only in MLS. Mais le match entre le Philadelphie Union et les New England Revolutions (1-2) a été plutôt pauvre par ailleurs, manquant de rythme et de qualité technique. Le championnat américain a encore du chemin à parcourir avant d’atteindre son objectif de devenir la référence mondiale.
On n'a pas aimé
L’incapacité de Saint-Étienne à prendre le jeu face à l’OL, ou plutôt le manque de volonté des Verts à le faire après l’expulsion de Lindsay Rose. Certes, un nul à Gerland (2-2) n’est pas un mauvais résultat, mais compte tenu des circonstances, on aurait voulu voir des Stéphanois plus expansifs.
La timidité du Dynamo Kiev, qui a tenté de tenir quarante-cinq minutes avec un bloc bas face à la Fiorentina après avoir ouvert le score. C’est mal connaître la Viola, qui apprécie l’attaque placée et a été logiquement récompensée en fin de match, l’excellent Khouma Babacar – on se mouille, le futur plus grand attaquant africain – égalisant dans les dernières secondes de la rencontre (1-1 score final).
Pour une fois, Marcelo Bielsa n'est pas cité ici pour être encensé. Le technicien argentin s'entête avec son 3-3-3-1, qui a énormément manqué de liant vendredi soir, à Nantes (0-1). Déjà très isolé d'ordinaire, Giannelli Imbula s'est retrouvé au cœur d'un no man's land marseillais en l'absence de Dimitri Payet. Aligné en soutien de Gignac, Michy Batshuayi n'a vraiment pas le profil pour décrocher et épauler son milieu.
Un derby milanais, ça peut être très bien. Mais quand aucune des deux équipes ne joue quelque chose et qu’il ne se passe pas grand-chose sur le terrain, l’intérêt est quand même franchement limité (0-0). Même le coup de panache de Philippe Mexès, un csc bien ridicule, a été refusé par l’arbitre...
L'infographie de la semaine
Quelles sont les équipes qui ont le plus augmenté leur moyenne de points depuis dix matches et celles qui, au contraire, coulent? Aux antipodes, Dortmund et Marseille. (Infographie en grand en cliquant sur l'image, tableau complet ici)
Les déclas
"Quand je suis arrivé à Dortmund, j’ai dit: «Si 80.000 personnes viennent toutes les deux semaines au stade et que sur le terrain, on joue un football ennuyeux, une des deux parties, l’équipe ou les supporters, devront trouver un nouveau stade.» Beaucoup de nos supporters parcourent 800 kilomètres pour nous voir et vivre quelque chose de spécial. Il faut y aller plein gaz. On l’a appelé football à plein gaz. On voulait déborder de vitalité. On préférait tirer cinq fois sur la barre que de rester quatre fois sans tirer au but. Perdre mieux. Ça a été le début. Il faut lier les gens au club. Les matches doivent avoir un effet bien au-delà du résultat. Tout le monde sait qu’on a gagné 3-1. Mais ce que l’on ressent c’est le tir, le but, l’arrêt: c’est ce que l’on transporte avec soitoute la semaine."
Jürgen Klopp dans une interview au quotidien El Pais, en 2013, sur sa philosophie et sur la croissance de “son” BVB.
"Si tu gagnes 1-0 et que le match a été très vivant, le football reste légitime. Cela ne m’intéresserait pas d’avoir Xavi, Messi et Cristiano Ronaldo dans la même équipe… Être meilleur que tous, c’est comme si je me mettais à jouer au tennis contre une fille de trois ans, que j’étais de l’autre côté du filet et que je jouais avec force, et que la fillette restait là, debout, avec la raquette… Ce n’est pas marrant. Mais si, de l’autre côté du filet, il y a un homme et que l’on joue au ping-pong, si je gagne c’est bien, et si je perds je me serais probablement amusé. Pour les supporters c’est comme une drogue. Je ne veux pas seulement gagner, je veux ressentir aussi!"
Jürgen Klopp toujours.
"On a été au bout de la prolifération des moyens, être partout, etc. C’est au détriment de la vision du jeu. J’en ai déjà parlé à Canal, comme ça, autour d’un café. Je rêve d’un match filmé à cinq caméras, avec un excellent réalisateur, de bons cadreurs et du bon son - ça, c’est formidable - et qu’on ait une vision du jeu globable, et moins de gros plans, de plans de coupe sur le banc de touche et un commentaire moins bavard."
Michel Denisot, dans L’Équipe du 20 avril.
La vidéo de la semaine
Porto a battu le Bayern grâce aux erreurs des défenseurs allemands entend-on depuis une semaine. Il y a une part de vérité mais celles-ci ne sont pas arrivées toutes seules. Auteurs d’un pressing ciblé clinique, les hommes de Julen Lopetegui, également capables de garder le ballon quand il le fallait, ont réalisé exactement ce qu’ils voulaient.
L'avis
Le départ du docteur Müller-Wohlfhart a agité l’actualité l’actualité du Bayern la semaine dernière. Parce qu’il est là depuis près de quarante ans d’abord, mais aussi (et surtout?) parce qu’il s’en va à cause de ses mauvaises relations avec Pep Guardiola. L’entraîneur espagnol doit assumer une image de gentil et d’opportuniste, celui qui n’entraîne que des grands clubs et emporte des titres faciles. Une certaine réécriture de l’histoire – il a commencé par faire monter la réserve barcelonaise puis repris une équipe première dans le doute – qui fait néanmoins peser sur ses épaules une pression permanente. D’autant qu’on retient plus le triplé de Jupp Heynckes la saison avant son arrivée que la précédente, bouclée sans trophée.
Dans ce contexte, la crise de nerf de Pep sur son staff médical en plein match prend des proportions inattendues, et le départ du docteur Actovegin crée des secousses. On a pourtant envie de renvoyer tout le monde dos à dos. Un entraîneur qui s’énerve sur ses collaborateurs, c’est moyen mais ça ne fait pas de mal au football (contrairement à la mise en cause d'un arbitre, au hasard). Un médecin qui utilise des produits controversés sans transparence – sans résultat cette saison – n’est peut-être pas plus mal un peu en retrait pendant quelques temps. Quant à un club incapable de garder l’information secrète ou, au moins, de soigner sa communication… Déjà parti du temps de Klinsmann et en mauvais terme avec Trapattoni, le docteur finira de toute façon bien par revenir. Et Guardiola, une fois parti vers d'autres cieux, continuera de déclencher chez beaucoup le rejet mécanique au culte de son jeu.
(C. K.)
La revue de presse (presque) anglophone
Sergueï Rebrov s’inspire de Valeri Lobanovski pour relancer le Dynamo Kiev.
Jürgen Klopp a été dévoré par le monstre qu’il avait créé.
Portrait tactique détaillé du FC Valence.
Jose Mourinho et Louis van Gaal se sont affrontés cette semaine. Deux leaders aux convictions très fortes.
Dès neuf ans, un joueur peut intéresser des clubs de toute l'Europe et valoir une centaine de milliers d'Euros.